Par Catherine Boineau et Guy Martinet

La Commission Seniors, devenue « Commission intergénération » n’a pas hésité à s’inscrire dans l’esprit du congrès de Dijon en affirmant qu' »Être audacieux avant sa retraite, c’est l’anticiper sans politique de l’autruche ». L’ambition de cette commission est d’« Être la commission qui s’occupe de votre avenir ». Voici quelques conseils pour oser la retraite.

« La jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit, un effet de la volonté ; une qualité de l’imagination, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du gout de l’aventure sur l’amour du confort… ».

Le constat de l’impréparation

Pris par l’intensité de leur métier, l’urgence récurrente des dossiers à traiter, l’organisation de leurs activités professionnelles, la gestion de leur cabinet, le développement de leur carrière, la préservation parfois difficile de leur vie personnelle, les avocats ne songent pas à se projeter dans un avenir qui parait lointain et négligent de s’occuper en temps utile de leur dossier « retraite ».

Toutefois, le moment venu, ils vont se heurter au principe de réalité : la nécessaire reconstitution d’une carrière, justificatifs à l‘appui (parfois introuvables …) prend beaucoup de temps – notamment quand on a exercé, au fil des années, diverses fonctions aux statuts différents (privé, public, au sein de l’UE ou dans le monde) et que les formalités sont aussi lourdes que multiples.

Au piège de l’insouciance et aux affres des tribulations de dernière heure s’ajoute une sévère désillusion : découvrir que la retraite (convoitée ou non) est synonyme de régression significative voire abyssale des revenus…. Dans le même temps, ils vont prendre conscience que du jour au lendemain ils ont cessé d’être les pilotes de la progression de leurs ressources.

Or il n’est pas rare désormais que la soixantaine passée, les avocats aient encore à pourvoir à l’entretien d’enfants étudiants ou issus d’une seconde union dans une famille recomposée, à supporter des charges patrimoniales, ou à faire face, le cas échéant, à des soucis de santé…

La retraite se prépare

« Faire valoir ses droits à la retraite » constitue un processus administratif et financier, non un aboutissement. Or sa mise en œuvre ne répond pas aux mêmes aspirations pour tous.

Pour les uns, le retrait d’une vie professionnelle dense est comblé par le légitime désir de loisir heureux et de repos. Pour beaucoup, il s’agit d’un passage vers une poursuite d’activités selon des modalités différenciées. Pour d’autres, c’est une nouvelle étape vers des occupations (bénévoles ou rémunérées) associatives, artistiques, intellectuelles ou manuelles traduisant de nouvelles formes d’engagement.

Aussi, osons soutenir que la retraite se prépare… en sortant de la prestation de serment ; mettons nos expériences en commun non seulement pour anticiper le jour du départ à la retraite mais également pour imaginer ce qu’elle sera !

Le rôle de la Commission Intergénération

Dans cette perspective, la Commission Intergénération est déterminée à jouer un triple rôle :

  • d’entraide amicale et de développement des liens sociaux, culturels et intergénérationnels, dans la continuité des impulsions chaleureuses d’Anne Charveriat ;
  • de veille sur les législations, réglementations et jurisprudences applicables à la retraite, sur les différents contrats d’assurance et conditions de cession du fonds libéral, en y incluant les incidences de nature notamment fiscale ;
  • de défense des intérêts des avocats retraités à l’égard des institutions concernées, françaises et européennes.

Notre atelier au congrès de Dijon a été de la sorte l’occasion parfaite de concrétiser cette volonté de faire évoluer la raison d’être de notre Commission sans rompre avec le passé, en nous invitant ainsi que les experts qui étaient à nos côtés, à explorer les pistes suivantes.

La piste procédurale

Les formalités et règles à respecter pour solliciter sa retraite sont exposées sur le site du Barreau de Paris et de la CNBF.

Le régime de l’honorariat est extrêmement bien expliqué dans le remarquable et indispensable Guide de l’Avocat honoraire dont Michel Souhaité a été l’instigateur et le contributeur, édité par l’ANAH (l’Association des avocats honoraire).

La piste de la cession du cabinet

Michel Lehrer, associé gérant de Jurimanagement, agence de conseil dédiée aux professions réglementées et plus spécialement investies dans l’organisation, le management et la gestion des cabinets d’avocats (elle-même adossée à une structure de communication et marketing, l’agence Juricommunication), a accepté d’ouvrir nos échanges pour démystifier les mythes et réalité de la cession de cabinets en pastichant non sans humour le célèbre vizir : « oh grand calife, n’avez-vous jamais pensé à passer le flambeau à votre plus fidèle collaborateur ? ».

C’est exactement le sujet : faut-il céder « en interne », c’est-à-dire aux collaborateurs (comment les intéresser, les mettre en situation, organiser la transition sous tous les aspects afin de leur éviter des déconvenues…) ; ou bien « à l’externe », c’est-à-dire à des tiers (comment les choisir, avec quelles ambitions mutuelles, comment les intégrer, assurer la présentation de la clientèle et la fidéliser…) ?

Quel que soit le contexte, il importe de se demander : « qui transmet quoi » et à cet effet :

  • d’identifier les critères de valorisation du cabinet et de les peser finement en fonction de la situation propre à chaque opération ;
  • de déterminer le moment de l’opération (retraite immédiate ou retraite progressive) ;
  • de constituer la structure juridique qui rendra cette opération attractive pour les acquéreurs et assurera au cédant la place qu’il entend éventuellement y occuper.

Autant de directions qui peuvent requérir un accompagnement, surtout quand « on n’a pas le temps » ou que manquent les éléments techniques propres à guider les choix stratégiques.

La piste de l’audit préalable et du cumul emploi retraite

A cet égard, Pascale Gauthier, Responsable de la veille législative et règlementaire au sein de Novelvy Retraite, société spécialisée dans le conseil en stratégie de retraite, nous a précisément invités à suivre le cheminement d’une élaboration active du dossier de retraite.

La cartographie du système de retraite français repose sur un double socle de retraite obligatoire (i.e. de base et complémentaire, respectivement gérés dans le cas des avocats par la CNBF), éventuellement complété par des PER (plan d’épargne retraite) souscrits soit à titre individuel soit dans le cadre collectif de l’entreprise.

Sur cette base, la démarche consiste successivement :

  • à repérer les divers régimes dans lequel il a été cotisé,
  • puis à pointer la date souhaitée de prise d’effet de la retraite,
  • après avoir procédé à un audit afin d’évaluer le montant à percevoir selon un éventail de paramètres (âge, nombre de trimestres cotisés, droits acquis à divers titres – service militaire, enfants, chômage, années d’expatriation… -),
  • enfin à étudier les modalités de valorisation de fin de carrière qui s’offrent (cumul emploi-retraite, retraite progressive, rachat de trimestres…).

Surtout, ne pas oublier que quarante-trois années de cotisations obligatoires donnent des droits ! En particulier celui de vérifier d’un œil critique les documents communiqués par les organismes afin de traquer les trimestres manquants (leur rachat à 62 ans coûte 4 500,00 € par trimestre). Et en conséquence, ne pas sous-estimer le réel apport d’un audit rigoureux et méthodique mené avec un concours compétent pour garantir l’exhaustivité du dossier.

La piste de la conclusion de contrats d’assurance sur mesure.

Bruno Luciani, Responsable régional de la compagnie AG2R La mondiale est venu prolonger la description de ce volet réglementaire, en examinant tour à tour :

  • les divers dispositifs supplémentaires d’optimisation qu’il est possible de constituer pour satisfaire les besoins qu’il appartient à chacun de définir préalablement,
  • leurs modes de financement puis de liquidation.

En pratique, le foisonnement des solutions et la nécessité de les adapter à chaque situation individuelle recommandent de recourir à un audit de protection sociale et patrimoniale, suivi de la mise en place d’un partenariat tout au long de la vie.

Le succès de cet atelier est une réelle incitation à le renouveler :  la diversité générationnelle est un levier puissant d’innovation, de créativité et de performance pour l’ACE. La dynamique est lancée… vous êtes sur la bonne voie !

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