Par Sophie LAPISARDI
Avocat au Barreau de Paris, Lapisardi Avocats, et Présidente de Lexclair Legal Design, co-présidente de la commission Croissance et Innovation de l’ACE.

La Compliance est l’un des sujets du moment pour nos clients avec des niveaux de maturité différents :

1 – Pour les entreprises, il s’agit la plupart du temps d’une remise à plat du programme qu’elles ont dû élaborer
en urgence, il y a quelques années, pour se mettre en conformité avec la loi Sapin II. Elles ont compris l’intérêt de la compliance et cette nouvelle phase est perçue comme celle de la maturité ;

2 – Pour la grande majorité des personnes publiques, c’est la prise de conscience de l’obligation de mettre en place un programme compliance avec le sentiment pour la plupart d’entre eux, d’une montagne à gravir.

Dans les 2 cas, nos clients cherchent à se doter des bons outils et des bonnes méthodes pour diffuser cette culture au sein de leur organisme. Le Legal Design est alors un atout pour nos clients et donc pour nous, avocats.

L’AFA recommande de rédiger un code de conduite clair et sans équivoque

C’est évidemment au code de conduite auquel nous pensons en premier. L’Agence Française Anticorruption (AFA) indique d’ailleurs dans ses recommandations que « le code de conduite est rédigé en des termes qui le rendent intelligible et accessible à des non spécialistes. Il est clair, sans réserve et sans équi- voque » (recommandations de l’AFA du 4 décembre 2020).

Certains codes de conduite rédigés à la hâte sont des murs de mots, souvent abscons, et des successions de comportements à éviter avec des références textuelles. Résultat : le code est bien créé mais il est perçu comme un énième document juridique que les collaborateurs au sein de l’organisme liront plus tard…ou jamais. Outre le fait que l’objectif n’est pas atteint, quoi de plus décourageant que de rédiger un document qui ne sera pas lu ?

Les différentes phases de la méthode Lexclair de Legal Design permettent de revoir la conception de ces codes de conduite :

Se mettre en empathie : Commencer par se mettre en empathie avec les lecteurs permet de mieux comprendre les attentes et les besoins de chacun, de la direction aux opérationnels.

Restructurer : Puis il est essentiel de restructurer l’information selon la logique des lecteurs. Egrener les infractions pénales (corruption, prise illégale d’intérêts etc.) est une logique purement juridique, pas celle des lecteurs. Il faut repenser la présentation des comportements à risque et interdits selon ce que vivent au quotidien les lecteurs.

Rédiger : L’étape de la rédaction est également essentielle. Elle commence par rédiger avec les techniques de langage juridique clair pour permettre au lecteur de comprendre facilement et rapidement l’information. Puis vient l’étape de la visualisation : comment rendre ce code de conduite puis ergonomique ? Comment faire en sorte que les lecteurs aient envie de le lire ?

Voici quelques astuces :
– Aérer son texte est tout d’abord fondamental,
– Bannir les interminables listes à puces,
– Utiliser des outils visuels : couleurs, changement de police, pictogrammes, tableaux, schémas…

Tester : une fois le code de conduite rédigé, il faut le tester auprès de quelques lecteurs pour vérifier qu’il a été lu, compris et mémorisé.

Mais l’intérêt du Legal Design ne s’arrête pas au code de conduite

Le Legal Design est ainsi une aide précieuse pour le 1er pilier : l’engagement de l’instance dirigeante. En effet, cet engagement n’est pas toujours au rendez-vous et c’est à la direction juridique, le cas échéant accompagnée de son Conseil, d’embarquer les dirigeants dans cette démarche. Pour cela, il faut véhiculer un message clair et impactant.

Le 2ème pilier, la cartographie des risques, n’est pas en reste. Le Legal Design permet de présenter les résultats de la cartographie des risques de manière péda- gogique et accessible aux instances dirigeantes.
Le 3ème pilier, la gestion des risques d’atteinte à la probité comporte plusieurs occasions de mettre en place ce mode de pensée. Nous l’avons vu pour le code de conduite ; c’est également le cas pour la formation. Le Legal Design permet de repenser les modules de formation, la manière dont l’information est structurée mais aussi la manière de diffuser ces formations. En se mettant en empathie avec les collaborateurs de l’entreprise on peut ainsi imaginer de nouvelles manières de diffuser l’information : des vidéos, bien sûr mais pourquoi pas des podcasts pour les collaborateurs qui passent du temps en voiture, des affiches dans les bureaux, sur les chantiers, des jeux identiques à des jeux de sociétés etc.

Le Legal Design permet aussi de concevoir des outils plus clairs pour l’évaluation des tiers, pour informer bien sûr, mais aussi pour permettre aux collaborateurs de remplir leurs obligations au quotidien grâce à des fiches claires et opérationnelles.

Le Legal Design est une opportunité de mettre en valeur la fonction juridique

D’une manière générale, la Compliance est ainsi une formidable opportunité pour la fonction juridique au sens large. En effet, cette fonction est encore souvent perçue comme actionnable en mode pompier. Au contraire, la Compliance lui permet de se positionner en protecteur de l’entité, de ses dirigeants et de ses collaborateurs. La Compliance met donc la fonction juridique en valeur. En travaillant sur la Compliance, on travaille sur la pédagogie de la norme pour influer sur les décisions de l’organisation et le comportement des collaborateurs. Et pour que la norme soit effective, il faut non seulement qu’elle soit comprise, mais également intégrée dans le fonctionnement et traduite concrètement de manière claire et accessible.

L’ACE et Lexclair vous proposent régulièrement des ateliers pour vous former et pratiquer le Legal Design. Toutes les informations sur Lexclair.fr

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