par Sophie LAPISARDI,
Avocat,
Co-Présidente de la Commission Soft Skills de l’ACE,
Présidente de Lexclair, organisme de formation des professionnels du droit au Legal Design
Le nombre de participants (plus de 70 personnes) à l’atelier du 7 octobre illustre la volonté des avocats de se saisir de ce nouveau mode de pensée qui va leur permettre, au quotidien, de mieux mettre en valeur leur expertise, de se démarquer et de développer leur activité.
En 2 heures, les participants ont pratiqué une partie de la méthode Lexclair de Legal Design avec un sujet phare : la proposition de mission ou devis. Comment devancer les besoins de ses clients ? Comment proposer un document clair qui emportera la confiance de son interlocuteur ? Les résultats immédiats ont permis aux avocats présents de découvrir la puissance du design appliqué au droit.
Qu’est-ce que le Legal Design ?
Le Legal Design permet aux professionnels du droit de réinventer leur manière de communiquer et le service apporté à leurs clients internes/externes. Cette démarche est aujourd’hui présentée comme une soft skills incontournable pour les professionnels du droit.
En effet, le Legal Design est un mode de pensée qui place l’utilisateur (client externe ou interne) au cœur de la démarche afin de trouver des solutions à des situations insatisfaisantes du droit. Et elles ne manquent pas : le droit est fondamental dans notre société mais toujours (encore plus ?) complexe et abscons. Or, les praticiens du droit ont été formés à communiquer entre eux, entre juristes. Le client est le grand absent des cursus de droit.
Mais le bât blesse également entre professionnels du droit. Les juges par exemple demandent plus de concision dans les écritures contentieuses si bien que concevoir des écrits impactants est aujourd’hui une vraie valeur ajoutée. D’une manière générale les professionnels du droit sont confrontés à l’« infobésité » avec son corollaire : la difficulté de détecter l’information essentielle.
Qu’est-ce que n’est pas le Legal Design ?
Il faut se débarrasser de l’idée que le Legal Design est simplement une histoire de couleurs, de pictos et autres éléments visuels. Ce n’est pas du graphisme. Le Legal Design est un nouveau mode de pensée qui part de l’utilisateur, notre client pour penser, structurer, rédiger des actes qui correspondent exactement à son besoin.
Il ne s’agit pas de confier nos actes à des graphistes ou designer ; nous sommes les experts ; c’est à nous de rendre nos écrits plus accessibles, clairs et engageants, au quotidien. Pour pratiquer le Legal Design il suffit d’être prêt à changer son mode de pensée pour mieux mettre en valeur son expertise.
A quoi sert le Legal Design ?
Le Legal Design est donc une démarche qui permet de communiquer l’information juridique de manière claire, compréhensible, engageante et impactante. Tous les domaines du droit sont concernés et tous les actes : mail, consultation, note d’in- formation, article, écritures contentieuses, présentation, formation, vidéos…. Naturellement, ces techniques permettent de communiquer sans perdre en rigueur et en sécurité juridique.
C’est d’ailleurs tout le contraire du superficiel car pour ne prendre que cet exemple, un contrat clair est un contrat mieux conçu et plus sûr pour les parties.
Concrètement, les avocats utilisent les tech- niques de Legal Design pour rédiger des emails, notes d’informations, des consultations, de dossiers de consultation des entre- prises, des revues de contrats, des contrats, des écrits contentieux… mais également pour concevoir des présentations et des for- mations.
Cette démarche d’innovation permet égale- ment de créer des outils et des services juridiques innovants. Et ils ne sont pas toujours numériques. Il peut s’agir de fiches pratiques claires que les opérationnels auront envie de lire, de formations dont ils mémoriseront facilement les messages clés, des présentations impactantes pour la direction.
Quels sont les bénéfices du Legal Design pour les avocats ?
Mieux mettre en valeur son expertise, créer de la confiance et de la transparence
Pour ne prendre que cet exemple, des contrats clairs sont le gage d’une meilleure compréhension par les clients. Ils retrouvent plus facilement les clauses vraiment importantes pour eux et les comprennent.
Gagner en impact dans le cadre des contentieux et des règlements amiables
Nous avons tous envie d’accéder rapidement à l’information essentielle ; même nous, professionnels du droit. Nous aspirons à une information plus claire, plus accessible, plus visuel- le et ergonomique.
Les magistrats le réclament : ils ne peuvent plus lire d’in- terminables écritures. Ils demandent de la concision et des éléments visuels (schémas, tableaux…) pour appréhender plus rapidement les aspects factuels et techniques.
Les techniques de Legal Design permettent de gagner en per- suasion en les guidant dans les écritures, voire même à utiliser des supports tels que des vidéos lors de contentieux.
Gagner du temps
Notre temps et celui de nos interlocuteurs est précieux. Sélectionner les informations pour donner la juste information à son client est indispensable.
Mieux répondre aux besoins de nos clients
Les directions juridiques se forment au Legal Design depuis plus de 2 ans et attendent la même chose de leurs avocats. Le succès du village du Legal Design au sein du village des transformations du droit les 18 et 19 novembre derniers le confirme. Le Legal Design devient incontournable pour les praticiens du droit.
Quelles sont les méthodes utilisées pour pratiquer le Legal Design ?
Le Legal design repose sur 3 techniques structurantes :
- la visualisation de l’information juridique,
- la pensée design
- et le langage juridique clair.
A ces techniques, s’ajoutent celles issues des résultats des sciences cognitives ainsi que des techniques de marketing et de journalisme.
Mais au-delà des moyens de le pratiquer, c’est surtout un changement de paradigme, de mode de pensée et il faut bien le dire, une petite révolution culturelle dans le monde du droit. En effet, l’empathie n’est pas étudiée dans nos cursus universitaires. Et le fait de tester ses écrits auprès de ses utilisateurs et d’attendre les retours de ses clients internes n’est pas usuel.
Les résultats sont très rapides, immédiatement perçus par les clients et motivants.
Comment pratiquer le Legal Design ?
Comment apprendre à penser comme un designer ? Comment repenser son activité et apprendre à se démarquer dans un secteur de plus en plus concurrentiel ?
Voici 2 pistes pour se lancer :
1. Apprendre à créer plus de valeur pour ses clients grâce à l’empathie
L’empathie est la pierre angulaire de la méthode. C’est en cela que le Legal Design constitue un réel changement d’état d’es- prit : au lieu de commencer par le droit, le professionnel part des besoins de ses utilisateurs. La différence est de taille ! Se questionner sur les attentes, y compris psychologiques et les freins de son client est au cœur de toute la démarche. Les résultats de ce questionnement vont avoir des incidences sur la structure du document et sur sa rédaction.
Entrer en empathie avec son client ouvre également de larges perspectives de créer de nouvelles offres et de nouveaux outils.
2. Être prêt à développer sa créativité
Les professionnels du droit se voient rarement comme des créatifs. Ou plutôt, ils créent pour leurs clients mais s’appliquent rarement ces techniques pour leurs propres besoins, outils et services.
Faire un pas de côté, regarder son activité sous un nouvel angle, questionner sa pratique apportent de nombreux enseignements.
Effectivement, toutes les techniques utilisées dans le Legal Design permettent de développer sa créativité et d’une manière générale, toutes les softs skills incontournables. Avec à la clé un changement majeur : le professionnel du droit passe ainsi d’une logique d’expert à une vraie logique de service.
C’est donc en plaçant l’humain au centre de sa démarche que l’avocat met en valeur son expertise, renforce la collabortion avec son client et se démarque.
A noter : Lexclair, en partenariat avec l’ACE, propose régulièrement des ateliers de formation au Legal Design en ligne (ateliers de 3h). Retrouvez toutes les informations sur les sites de l’ACE et de Lexclair (lexclair.fr).