
Par My-Kim YANG-PAYA, Avocate, coprésidente de la commission Droit des sociétés
Charles Lepicard : Entre nous, Dabe ! Une supposition, hein ! Je dis bien une supposition. Que j’aie un graveur, du papier et que j’imprime pour un milliard de biffetons. En admettant, … c’est toujours une supposition, hein ! … En admettant qu’on soit cinq sur l’affaire. Cela rapporterait net combien à chacun ?
Le Dabe : Vingt ans de placard ! Les bénéfices ça se divise, la réclusion ça s’additionne !
(Le Cave se rebiffe)
Un dialogue – presque – imaginaire :
Un vieux bistrot parisien. Autour d’une table, quatre compères discutent en savourant un ballon de rouge.
Fernand : Bon, les gars, parlons boutique. Y’a un truc qui me gratte… L’abus de biens sociaux !
Raoul : Ah, l’abus de biens sociaux ! Ce doux parfum de la combine, du doigt glissé dans le pot de confiture… Mais t’inquiète, mon Fernand, ça n’arrive qu’aux autres, ça, hein ?!
Paul : Ouais, enfin, sauf quand t’as un patron qui confond la caisse de l’entreprise avec sa poche intérieure. Là, ça rigole plus.
Fernand : Justement, expliquez-moi, c’est quoi le tableau ?
Raoul : Bah, c’est simple. T’as les biens de la boîte, tout ce qui brille : les voitures, les locaux, les p’tits billets… Et là, t’as le gus, le boss, qui se dit : « Tiens, et si je m’en servais pour mes petites affaires personnelles ? »
Paul : Pas bête, le mec, mais un peu trop gourmand. Parce que dès que tu fais passer ta Rolex en note de frais ou que tu paies les vacances des gosses avec la carte de la boîte, t’es bon pour la prune.
Fernand : Et c’est quoi la punition ?
Raoul : Oh, pas grand-chose… Cinq ans d’ombre et une amende de 375 000 balles, histoire de te calmer.
Paul : Et encore, ça c’est quand le juge est de bonne humeur. Si t’as joué au malin avec des comptes planqués à l’étranger, là, c’est sept ans et 500 000 balles. Autant dire qu’ils te mettent à sec avant même que t’aies dit « Cayenne ».
Fernand : Et les gars, pour que ça passe, faut quoi ? Une société ruinée, ou bien juste un risque de claquer ?
Raoul : Ah, même pas besoin qu’elle coule, mon pote. Suffit que t’aies mis la boîte dans une posture bancale, genre : « J’ai pris un p’tit prêt pour m’acheter un yacht, mais c’est temporaire, hein ? » Et bim, ça suffit.
Paul : Oui, temporaire, comme un emprunt chez un bookmaker…
Fernand : Et y’a prescription là-dedans ?
Raoul : Six ans depuis que ton petit coup tordu a été découvert. Mais attention, jamais plus de douze si t’es malin et que t’as bien tout embrouillé pour que ne découvre pas tes magouilles.
Fernand : Ah ouais ? Alors pour pas se faire griller, le mieux, c’est quoi ?
Paul : Pas d’abus, Fernand. Parce que quand la justice arrive, c’est pas avec des fleurs, c’est avec un bulldozer. Et crois-moi, t’as beau être le roi du système D, t’évites pas le coup de pelle.
Raoul : Comme disait l’autre : « On peut tromper une fois mille personnes, mais pas mille fois le juge d’instruction. »
Fernand : Bon, va pour la ligne droite… Mais vous savez quoi ? Entre nous, cette histoire de biens sociaux, ça a un petit goût de cognac frelaté.
Paul : Allez, à la santé de la probité ! Et que les bons comptes fassent les bons amis… sauf chez les aigrefins.
Tous : À la tienne, Fernand !