Anne-Charlotte GROS, Directrice Générale de la Fondation pour le droit continenta
Les raisons de la création de la Fondation pour le droit continental
Notre Fondation reconnue d’utilité publique, présidée par l’ancien Ministre Renaud Dutreil, est le fruit du rapprochement entre les pouvoirs publics, le monde universitaire, les professions du droit (notaires, avocats, commissaires de justice, greffiers des tribunaux de commerce, administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, juristes d’entreprises) et les entreprises, qui ont réalisé, ensemble, combien il était essentiel de s’unir pour renforcer le rayonnement de notre système juridique et de contribuer ainsi à un ordre juridique mondial plus équilibré.
Tout d’abord souhaitée et annoncée par l’ancien Président de la République Jacques Chirac lors de la célébration du bicentenaire du code civil le 11 mars 2004 puis mise en œuvre par l’ancien Garde des Sceaux Pascal Clément, elle a vu le jour en 2007.
Les objectifs étaient de dynamiser la présence internationale des acteurs du droit et d’incarner une stratégie d’influence et de promotion des atouts du droit continental.
Cette alliance inédite entre les acteurs publics et privés était, par ailleurs, motivée tant par l’existence de classements internationaux défavorables à l’époque à la France que par la nécessité de se coordonner et de se mobiliser pour rattraper l’avance prise depuis longtemps par nos amis anglo-américains. Il est vrai que ces derniers ont développé au fil des années une expérience et une culture de l’influence juridique, depuis le plan Marshall sans oublier la chute du mur de Berlin qui leur permit de proposer aux anciens pays du bloc de l’est de se reconstruire notamment par des réformes juridiques ciblées. Ils ont compris depuis longtemps qu’ils étaient les mieux placés pour faire la promotion de leur droit et se révèlent aujourd’hui comme d’excellents lobbyistes de leur système juridique. Leur présence se retrouve partout dans le monde, que ce soit notamment tant auprès des institutions internationales que dans les juridictions internationales.
Le droit au cœur de notre stratégie d’influence
Près de quinze ans après sa création, les objectifs pensés par les membres fondateurs de la Fondation pour le droit continental (parmi lesquels notamment le Conseil national des barreaux, le Conseil supérieur du notariat et la Caisse des dépôts) n’ont jamais été aussi pertinents et liés à l’actualité européenne et internationale. A l’heure de la Guerre en Ukraine, de la montée en puissance des pays du Sud, de la rivalité entre les puissances de ce monde, de la vague d’euroscepticisme qui traverse l’Europe, il est primordial de renforcer la place du droit dans notre stratégie d’influence, de le remettre au cœur des préoccupations européennes et internationales et de trouver sans cesse des solutions juridiques innovantes pour répondre aux enjeux de transformation sociétale, numérique et écologique. Par ailleurs, le droit a vocation à dialoguer avec l’économie et beaucoup d’autres disciplines et être pensé dans sa dimension transnationale. Depuis la création de la fondation, notre travail de conviction a fait son chemin, si bien qu’en 2023 il existe pour la première fois en France une feuille de route d’influence par le droit portée conjointement par le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères et par le Ministère de la Justice. Le droit est enfin devenu officiellement un outil de notre diplomatie.
Le droit continental, un pont entre les pays des autres continents
Une grande partie des travaux de la Fondation tournent bien évidemment autour du droit continental, de la mesure de sa performance, de l’étude de sa cartographie et de son évolution par rapport aux autres systèmes juridiques grâce aux travaux de notre Conseil Scientifique qui regroupe les plus éminents universitaires en la matière.
Les atouts classiques du droit continental sont nombreux : c’est un droit accessible et intelligible, peu couteux, un droit préventif, progressiste, protecteur du plus faible et qui apporte de la sécurité juridique.
Si l’on devait se concentrer sur les plus grandes différences entre le droit continental et la « common law », nous pourrions évoquer la source du droit mais également la manière de le pratiquer ou de l’interpréter. C’est avant tout une question de culture. Il ne faut pas oublier que le droit continental concerne un certain nombre de pays aujourd’hui dans le monde qui revendiquent leur appartenance à ce système juridique. C’est donc un outil idéal de rapprochement lorsque nous faisons de la coopération bilatérale ou régionale que ce soit en Asie, en Afrique (en particulier l’espace OHADA qui pour nous est un modèle réussi d’intégration juridique régionale), au MoyenOrient ou en Amérique du Sud.
Chaque année, nous rassemblons une centaine de personnes (étudiants et professionnels du droit) autour de l’Université d’Eté du droit continental qui a lieu pendant trois semaines à Paris. Nous réalisons pour chaque édition l’intérêt porté au droit continental par des personnes venant de plus de 35 nations différentes. C’est bien la démonstration que le droit continental intéresse nos amis des autres continents, sans oublier bien évidemment un intérêt de plus en plus développé pour le droit européen.
Le droit continental au sein de l’Union Européenne
Tout d’abord, le Brexit nous donne l’extraordinaire occasion d’harmoniser le système juridique européen autour du droit continental qui concerne aujourd’hui une très large majorité de pays de l’Union Européenne. C’est par exemple tout l’esprit du projet de code européen des affaires que nous appelons de tous nos vœux avec l’association Henri Capitant et qui permettrait aux start-ups européennes qui souhaitent se développer à l’international de privilégier la zone européenne et de profiter d’outils juridiques performants. Le rôle de notre Fondation est également de rappeler aux institutions européennes que le droit européen est largement teinté de droit continental qui s’exprime à travers des valeurs européennes communes. En effet, l’Union Européenne au fil des années a su élaborer des textes européens à forte valeur ajoutée qui aujourd’hui s’imposent à tous les acteurs économiques qui opèrent en Europe tout en renforçant le respect des droits humains.
C’est en quelque sorte une influence issue de notre droit continental. Les textes européens constituent aujourd’hui une grande source d’inspiration au plan international que ce soit par exemple dans le domaine de la protection des données à caractère personnelle avec le RGPD, la protection des mineurs dans le DSA (Digital Services Act) ou encore le futur texte sur le devoir de vigilance européen.