La revue de l’ACE n°158 – Une brève histoire du Droit de l’environnement, de son sur dynamisme et de son avenir

Par Christian HUGLO, Avocat à la Cour, Docteur en droit, Associé et fondateur du Cabinet HUGLO LEPAGE

Il existe à la disposition des étudiants comme des praticiens du droit d’excellents manuels retraçant les origines du droit de l’environnement, son objet, ses méthodes comme son contenu, faisant appel, en majeure partie, aux techniques du droit administratif classique, du droit civil ou du droit pénal.

Mais un bref regard sur son évolution en montre son dynamisme, ses raisons d’être et son avenir.

L’expérience a commencé dans les années 70 où l’on avait jusqu’à présent en France un droit sur l’environnement et dont les perspectives étaient plus d’abord celles de la gestion publique ou de l’exercice du droit de propriété.

C’est dans les années 1970 qu’est apparue une loi sur la protection de la nature (loi du 10 juillet 1976) et la rénovation du droit des pollutions avec une loi sur les installations classées (loi du 19 juillet 1976), et tout cela sous le régime de droit public et qu’est né alors un droit de la protection de la nature et de la lutte contre la pollution.

Mais, il fallait que nouveau droit obtienne une certaine reconnaissance de sa nature propre par rapport aux autres droits fondamentaux tels que le droit de propriété et le droit de la liberté de commerce et de l’industrie puis, dans un deuxième temps, il fallait lui reconnaître une certaine supériorité si l’on imaginait le voir prospérer.

1) C’est grâce à l’impulsion de la loi sur l’air du 30 décembre 1996 dite loi Lepage et également grâce à l’évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg (décision Guerra 1994), que le droit de l’environnement a pris une autre dimension incluant la protection de l’homme dans ses objectifs, que l’on pourrait qualifier de droit à l’environnement, car la nature n’est pas partout, sauf en l’homme.

La codification du Code de l’environnement est apparue au début des années 2000, elle repose en effet sur les deux piliers signalés plus haut, le droit des protections et le droit de lutte contre les atteintes aux éléments naturels.

Mais, le développement du commerce mondial, le souci d’équilibrer les rapports entre les nations ont poussé l’Organisation des Nations unies (ONU) à développer un droit du développement durable, c’est que l’on peut appeler un droit avec l’environnement avec les avantages et les inconvénients inhérents à cette formule puisqu’il le vulgarise en même temps qu’il l’étend.

Or, la plupart des Etats du monde (145 sur 191) et en particulier la France (2004), ont adopté une charte constitutionnelle fixant le droit de l’environnement au plus haut niveau de la hiérarchie des normes en posant les quatre principes fondamentaux suivants : droit et devoir de protection pour un environnement sain, principe pollueur payeur et droit à la réparation du dommage écologique, principe de prévention et principe de précaution.

Ces principes constitutionnels inscrits dans la Charte de l’environnement sont suivis par des principes de procédure, principes de conciliation, d’in- formation, de participation ce que n’est pas le cas pour toutes les Constitutions qui, par le monde, se prévalent d’un droit constitutionnel.

De son côté, l’Union européenne elle, a fait depuis les années 1980, une place considérable et dynamique, au droit de l’environnement sans compter le développement international de ce droit. On compte aujourd’hui, au-delà des Codes de l’environnement qui se multiplient dans tous les Etats du monde, près de 500 conventions internationales qui gouvernement le sujet et pour la France, la duplication des traités bilatéraux au nombre approximatif de 900 instruments et en Europe, 300 directives et plusieurs dizaines de règlements.

Ainsi, en moins de cinquante ans, toutes les Nations ont un droit de l’environnement, la question principale étant de lui donner une valeur effective au plan international.

2) S’agissant de son fondement, on peut dire qu’il repose essentiellement sur les connaissances scientifiques et de façon plus développée, il repose sur ce que l’on appelle l’expertise qu’elle soit officielle, non officielle ou judiciaire.

Il n’existe pas un seul domaine du droit de l’environnement qui n’échappe à cette règle, ainsi désormais pour en prendre un exemple basique en matière de

trouble de voisinage, la preuve se fait par des mesures de douleurs olfactives ou liées à ce que l’être humain peut supporter face au bruit. Dans le domaine esthétique dans sa dimension de protection des paysages, l’expertise reste également de mise, la pollution se mesure systématiquement.

Mais ce qui a créé son développement, c’est surtout le relais des connaissances scientifiques par les organismes non gouvernementaux (que l’on appelle les associations) qui n’ont pas manqué, au vu des constatations faites, de répondre aux évolutions nécessaires du droit face aux besoins contemporains, la protection du Patrimoine naturel puis, maintenant lutte contre le réchauffement climatique et la protection de la biodiversité.

Cela s’est opéré systématiquement par une saisine des Tribunaux principalement administratifs en France et dans une moindre mesure, civils ou répressifs, allant parfois jusqu’à interpeller avec succès la Cour de justice de l’Union comme on l’a mentionné, la Cour européenne de droit de l’homme.

Ainsi, le dynamisme du droit de l’environnement repose-t-il essentiellement sur la jurisprudence qui s’est développée à ce sujet de façon plus importante que le droit écrit et en tout cas qui l’a précédé.

Il est incontestable que les grandes affaires de pollution, dite « des boues rouges de la Montedison » (1974-1985) qui a opposé les collectivités de la Corse et de la méditerranée à une Société italienne qui déversait ses déchets chimiques au large de l’île de Beauté, comme celles de l’affaire de l’Amoco Cadiz, l’affaire de l’Erika, sont incontestablement à la source de la théorie dite de réparation du dommage écologique consacrée aujourd’hui par le Code civil (articles 1243 et suivants issus de la loi du 8 août 2016).

Au plan de la prévention, ce que l’on appelle l’étude d’impact écologique ayant pour but de prévenir et de compenser les effets d’un projet, déclaration d’ouvrages ou les effets d’une planification programmée. Ce point a été invoqué pour la première fois dans l’affaire dite de la protection du marais salants de Guérande et surtout de la pollution du Rhin par les collectivités néerlandaises, ces créations étant celles des Tribunaux administratifs relayés finalement par les juridictions suprêmes.

3) En fait, si l’on voulait résumer la dimension que le droit de l’environnement a prise aujourd’hui, on pourrait dire que celle-ci vise au respect de la vie et des conditions d’une vie acceptable sur terre.

Cette nouvelle adaptation du droit de l’environnement est un phénomène incontestable face à ce que l’on appelle la survenance de la crise climatique et de l’atteinte aux biodiversités ainsi que la lutte contre les pandémies.

Bien qu’il existe une Convention internationale sur le climat et des accords internationaux particulièrement importants comme celui que l’on appelle l’accord de Paris du 15 décembre 2015, l’œuvre liée au développement du droit climatique est avant tout l’affaire des Tribunaux et des Cours suprêmes dans des nations consacrant la séparation des pouvoirs.

Ainsi, les affaires dites Urgenda pour la Hollande (Cour suprême 19 décembre 2019), commune de Grande Synthe pour la France, en l’occurrence le Conseil d’Etat (décisions des 20 novembre 2020 et 1er juillet2021), le droit constitutionnel, pour le Tribunal fédéral de Karlsruhe pour l’Allemagne (dé- cision du 21 mars2021) sont des exemples typiques marquant l’évolution sur le sujet et créant un devoir de respect des objectifs de diminution des gaz à effet de serre que l’on appelle (l’atténuation) ou l’adoption de règles nouvelles propres à faire face à ce réchauffement (et que l’on appelle l’adaptation) sans compter que cette évolution a atteint également les entreprises privées qui font l’objet d’un contrôle de leurs objectifs par les Tribunaux de l’ordre judiciaire, l’affaire Shell rendue au Pays-Bas (Hague District Court, 26 mai 2021) en est un exemple très remarqué.

Mais, l’évolution ne s’arrête pas car on note, compte tenu des risques liés aux équilibres écologiques et aux équilibres de la santé, une forme de convergence du droit de l’environnement et du droit de la santé car la question de la dégradation de l’environnement interpelle gravement la question de la santé humaine et de son adaptabilité à des conditions de pollutions inconnues jusqu’à présent.

Le concept de One Healt innové par les Nations Unies a une répercussion claire sur la conception même du droit de l’environnement qui doit unir dans une même perspective la protection du végétal, de l’animal, de la biomasse, de la qualité de l’environnement et de la santé humaine, d’où l’affirmation du droit subjectif à un environnement sain qui vient d’ailleurs d’être consacré tout récemment par une décision du Conseil d’Etat qui a reconnu à un environnement sain comme liberté et droit fondamental, pas que n’a pas encore franchi le Conseil constitutionnel de façon explicite (Conseil d’Etat 20 septembre 2022).

On peut même aller à considérer que le droit de l’environnement, tel qu’il se développe, paraît adapté à assurer une certaine sobriété liée à l’obligation de changer de modèle de développement, de réduire une consommation superflue et de se contenter du principal. C’est dans cet esprit qu’il s’inscrit aujourd’hui : illustrant cette situation, le droit de l’artificialisation des sols, le droit de la sobriété énergétique tel qu’il résulte en particulier du droit de l’Union européenne et ses déclinaisons françaises ou encore, le droit de l’économie circulaire.

Sans doute, avec la prise en considération des contraintes liées à l’évolution des évènements internationaux tels que la guerre en Ukraine avec toutes ses conséquences sur le droit de l’énergie, les dispersions du droit international, l’avenir se présente de façon non pas abstraite mais de façon plus concrète, car les enjeux ne sont pas seulement de continuer à protéger l’environnement et la planète mais surtout à assurer aux générations futures un avenir acceptable et surtout digne.

Il n’est pas sans intérêt de relever le fait que les grands principes qui habitaient le droit de l’environnement sont relayés au plan international aujourd’hui par ce que l’on appelle au droit des générations futures à travers les déclarations dites Droit de l’Humanité ou DDHU, ratifié par des grands organismes internationaux, les Villes unies, plus de 240.000 Villes représentant 4,5 milliards d’habitants, comme la branche ECOSOC, les Nations Unies ou les Etats Unis, dont l’objectif comporte à la fois ce que l’on peut appeler des droits de l’Humanité, des devoirs, le devoir devenant aussi fondamental que le droit.

PETITE BIBLIOGRAPHIE SUR LE DROIT DE L’ENVIRONNEMENT :

  • DROIT DE L’ENVIRONNEMENT, PAR MICHEL PRIEUR, EDITIONS DALLOZ
  • LE DROIT DE L’ENVIRONNEMENT PAR AGATH VAN LANG, EDITIONS THÉMIS
  • LE DROIT DE L’ENVIRONNEMENT PAR JACQUELINE MORAND-DEVILLER, COLLECTION QUE S’AIS-JE
  • ET SUR LE CONTENTIEUX JUDICIAIRE CLIMATIQUE : UNE RÉVOLUTION JUDICIAIRE MONDIALE, PAR CHRISTIAN HUGLO, EDITION BRUYLANT
  • SUR L’IMPORTANCE DU CONTENTIEUX DE L’ENVIRONNEMENT : NOS BATAILLES POUR L’ENVIRONNEMENT, 50 PROCÈS, 50 DE COMBAT, PAR CHRISTIAN HUGLO ET CORINNE LEPAGE, EDITIONS ACTES SUD
  • LA DDHU SITE INTERNET

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