Sophie LAPISARDI

Avocat au Barreau de Paris, Lapisardi Avocats

Présidente de Lexclair Legal Design

co-présidente de la commission Croissance et Innovation de l’ACE

Le Legal Design améliore l’expérience de tous les acteurs de la justice et notamment des magistrats, des avocats et de leurs clients. Les avocats ont à portée de main un nouveau mode de pensée qui, non seulement va améliorer la collaboration avec les autres acteurs du droit, mais va également leur permettre de gagner en persuasion pour la défense de leurs clients. 

Ce matin un de mes clients m’appelle inquiet. Il vient de recevoir une assignation. J’ai ma petite idée sur l’objet de cette « assignation » mais je cherche à me le faire rapidement confirmer. Le client tourne les pages, souffle, son stress augmente. Je le rassure et lui demande d’aller tout à la fin du document et de me lire le « par ces motifs ». Avez-vous déjà entendu le « par ces motifs » lu par un client non-juriste ? J’avais l’impression qu’il lisait du chinois… c’était long, très long…. Et son stress ne diminuait pas.

Après 2 minutes de lecture, j’abrège ses souffrances : c’est bien un référé conservatoire. Tout va bien.

Maintenant, à moi de me rassurer avec la réponse à la question qui nous taraude tous dès l’annonce d’une assignation en référé : quelle est la date d’audience ? Mon client ne la voit pas ; j’ai beau lui dire qu’elle est souvent en 2e page ; il ne la voit pas.

Finalement, je reçois l’assignation quelques heures après ; la date d’audience est bien indiquée en page 2, noyée au milieu de longues phrases, avec une police peu lisible et de petits caractères.

Faisons un pas de côté …. Juste quelques minutes. N’aurions-nous pas, nous avocats, les moyens d’améliorer l’expérience de nos clients ?

Ne pourrions-nous pas rendre nos écrits plus clairs, plus accessibles, plus compréhensibles pour nos clients ? 

Avons-nous besoin de tout ce jargon, de ces caractères collés serrés pour justifier notre intervention ?

Naturellement, il n’est pas question de supprimer les mentions obligatoires ! Mais elles peuvent être rédigées différemment, en langage clair. Nous pouvons aussi revoir la structure de nos écrits pour faciliter l’accès à l’information. Ces derniers peuvent être ergonomiques. Oui, oui, ergonomiques. La date d’audience soulignée, en petit caractère et noyée dans un mur de mots n’est pas visible, surtout pour une personne stressée lors de la réception d’une assignation. Au contraire, il faut créer un encadré, laisser de l’espace autour et indiquer la date en caractères plus gros. C’est simple et ça change l’expérience de nos clients… et la nôtre par la même occasion. 

Nos journées regorgent d’exemples comme celui-ci. Or, nous avons tous les moyens d’améliorer l’expérience de tous les acteurs de la justice : nos clients, les magistrats, les greffiers et nous, avocats !

En effet, les magistrats ont finalement les mêmes demandes que les non-juristes. 

En 2017, avec ma consœur, Eléonore Zahlen, nous avons réalisé une enquête auprès de magistrats pour comprendre leur besoin en termes de rédaction et de visualisation de l’information juridique (enquête réalisée en 2017 – V. S. Lapisardi et E. Zahlen, La pratique du visual law en cabinet d’avocats, Ouvrage collectif Larcier 2018 L’innovation juridique et judiciaire).

Leurs demandes sont étonnamment simples. Bien entendu, ils apprécient les tableaux, les schémas, les logigrammes, les frises chronologiques etc. mais ils demandent avant tout aux avocats :

Finalement, les magistrats veulent trouver facilement l’information, la lire rapidement et facilement. Ils veulent ce que nous voulons tous : gagner du temps !

Et les magistrats ont entamé un travail sur l’accessibilité de leurs décisions. Certes il reste beaucoup à faire pour qu’elles soient plus compréhensibles, mais la démarche est clairement lancée depuis plusieurs années.

Et nous ?  Qu’avons-nous engagé pour améliorer l’expérience de nos clients ? Des magistrats et greffiers ?

Est-ce que nous nous sommes mis à leur place ? Avons-nous, nous-même, ressenti cette lassitude face aux 30 pages de conclusions adverses en petits caractères ; à ces murs de mots.

Les bénéfices vont bien au-delà de la seule collaboration entre les professionnels du droit. Rédiger des écrits plus convaincants, plus impactants permet de mieux répondre aux attentes de nos clients : défendre leurs intérêts.

Et l’écrit n’est pas le seul véhicule. Les vidéos font leur apparition dans les prétoires à l’appui des écrits contentieux. 

Et tout cela sans intelligence artificielle, sans être un geek, sans grever les comptes du cabinet et sans recruter un graphiste ! 

Et la méthodologie qui vous permettra de le faire, c’est le Legal Design. Travailler en empathie, apprendre à restructurer ses écrits, à rédiger en langage juridique clair et ajouter de la visualisation sont à la portée de tous ; pour la plus grande satisfaction de tous les acteurs du système judiciaire.

L’ACE et Lexclair vous proposent régulièrement des ateliers pour vous former et pratiquer le Legal Design : prochains ateliers en ligne en juin. Toutes les informations sur Lexclair.fr

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