Par Vincent NIORE
Vice-Bâtonnier du Barreau de Paris
Connu pour s’être engagé sans compter comme « l’avocat des avocats »
La défense, en particulier des auxiliaires de Justice que nous sommes, n’est pour lui pas un vain mot
Sont entrées en vigueur le 1er mars 2022 les dispositions relatives aux perquisitions du cabinet et/ou du domicile d’un avocat et d’un tiers qui peut être le client, issues de l’article 3 de la loi 2021-1729 du 22 décembre 2021 dite « pour la confiance dans l’institution judiciaire ».
A l’occasion des débats sur le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, après vote de la CMP, l’Ordre des avocats de Paris, derrière son Bâtonnier en exercice, sa Bâtonnière et son vice-Bâtonnier élus, avec le CNB, la Conférence des Bâtonniers, les syndicats d’avocats, les avocats, s’est mobilisé pour la sauvegarde du rôle contestataire du Bâtonnier en matière de secret de la défense et de secret du conseil. Ils sont désormais gravés dans l’article préliminaire du code de procédure pénale dans les termes suivants : « le respect professionnel de la défense et du conseil prévu à l’article 66-5 de la loi de 1971 est garanti au cours de la procédure pénale dans les conditions prévues par le présent code ».
Pourtant, la circulaire d’interprétation du 28 février 2022 est de nature à engendrer sinon « une défiance » en tous cas de lourdes interrogations sur l’étendue du secret du conseil et sur le rôle de l’avocat perquisitionné comme sur celui de son client.
La réforme qui a suscité tant de légitimes protestations ne concerne cependant que la seule matière des perquisitions judiciaires, que ce soit chez le client ou bien chez l’avocat. Il faut souligner que le nouveau texte de l’article 56-1-2 du CPP prévoit que le secret du conseil « n’est pas opposable » aux mesures d’enquête ou d’instruction pour autant que « la preuve » soit rapportée de l’utilisation des éléments confidentiels saisis à des fins délictueuses. La formulation reste confuse et source d’inquiétudes car le secret du conseil n’est pas défini avec précision dans son contenu et son étendue. Certes, il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. La démonstration par une analyse intrinsèque des pièces saisies de la participation effective de l’avocat à la commission d’une infraction n’est pas non plus expressément formulée au texte. Le flou juridique volontairement entretenu par le législateur sur ces données fondamentales devrait autoriser toutes les audaces intrusives aux risques et périls de leurs auteurs qui ne manqueront pas de fragiliser leurs procédures.
En effet, ce texte précise que les consultations, correspondances ou pièces, détenues ou transmises par l’avocat ou son client, doivent établir « la preuve » de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission des infractions qui y sont limitativement énumérées.
La circulaire prise par la Direction des affaires criminelles et des grâces le 28 février 2022 précise sur ce point que « il s’agit évidemment de l’utilisation de ces documents par le client (et non pas l’avocat lui-même) pour commettre une infraction, sans qu’il soit donc nécessaire de soupçonner l’avocat d’avoir lui-même agi comme auteur ou complice, car sinon l’article 56-1-2 n’aurait aucune portée juridique ». Cette solution est inquiétante et frappée d’anti-conventionnalité car il est impensable qu’un avocat non- soupçonné puisse être perquisitionné pour que soient saisis à son cabinet des éléments dont « le client » aurait effectué une utilisation à des fins délictueuses. Une perquisition en cabinet d’avocat ne peut désormais être effectuée que contre la démonstration de « raisons plausibles » de la participation de l’avocat à la commission d’une infraction ou lorsque l’avocat est mis en cause.
Or, la circulaire précise comme une régression qu’il ne serait pas nécessaire de soupçonner l’avocat pour pouvoir saisir chez lui des éléments relatifs au client. Cette solution est radicalement anti-conventionnelle car contraire à la jurisprudence de la CEDH dégagée par l’arrêt André (CEDH André et autres c. France, 24 juillet 2008, requête n° 18603/03) qui juge disproportionnée la perquisition – fiscale – au cabinet de l’avocat non soupçonné pour y saisir des éléments relatifs au client :
« 47. La Cour note donc qu’en l’espèce, dans le cadre d’un contrôle fiscal d’une société cliente des requérants, [avocats] l’administration visait ces derniers pour la seule raison qu’elle avait des difficultés, d’une part, à effectuer ledit contrôle fiscal et, d’autre part, à trouver des « documents comptables, juridiques et sociaux » de nature à confirmer les soupçons de fraude qui pesaient sur la société cliente.
48. Compte tenu de ce qui précède, la Cour juge que la visite domiciliaire et les saisies effectuées au domicile des requérants étaient, dans les circonstances de l’espèce, disproportionnées par rapport au but visé.
49. Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ».
Perquisitionner un avocat que l’on ne soupçonne pas, pour saisir à son cabinet des éléments relatifs au client, reviendrait à contourner non seulement la nouvelle règle de l’article 56-1-1du CPP, qui permet au tiers donc le client de contester une perquisition chez lui comme peut le faire le Bâtonnier, mais en outre la condition de l’exigence de « raisons plausibles » requise par l’article 56-1 du CPP réformé, pour pouvoir perquisitionner lorsque l’avocat est mis en cause. Une telle perquisition serait irrégulière et en tous cas frappée de nullité. Elle serait par ailleurs, en tous cas disproportionnée alors que la règle de la proportionnalité est désormais érigée dans le texte en condition de la validité de la perquisition. Mais le critère de la proportionnalité désormais consacré par le législateur ne doit pas apparaitre en pratique comme constituant une imposture. En l’état de la circulaire, le critère de la proportionnalité vole en éclats pour laisser la place à une appréciation arbitraire de l’intrusion.
Il est regrettable que le législateur ait procédé par voie d’affirmation sur l’éviction du secret du conseil qu’il ne définit pas, dans certaines matières du droit pénal en perquisition chez l’avocat, contre la démonstration de la « preuve » de l’utilisation des pièces saisies pour la commission d’une infraction. Les infractions visées dont le financement du terrorisme, la fraude fiscale, la corruption, le trafic d’influence et le blanchiment de ces infractions relèvent d’ailleurs de la compétence d’attribution du PNF. Le secret du conseil qui serait entendu dans ce cas comme le secret du conseil en matière juridique devient suspect et s’en trouve par principe dévalorisé. Il n’existe pourtant qu’un seul secret professionnel. Le secret du conseil pour le juridique n’est pas un secret de basse condition. En pratique il concerne une activité intellectuelle des avocats qui représente 70% du marché du droit. Nul n’est habilité à criminaliser cette noble intervention de l’avocat qui fournit une prestation de nature intellectuelle.
Il est vrai que la jurisprudence de la Chambre criminelle excluait déjà le secret de la défense comme du conseil dans ces hypothèses de participation à la commission d’une infraction mais en des termes bien plus précis sur la commission directe d’un délit à partir d’une analyse intrinsèque des éléments saisis. Au sujet du secret du conseil pour l’assistance juridique, la circulaire se fait l’écho de propos inadmissibles proférés avec allégresse du genre « Il y a des escrocs pour lesquels il peut être intéressant de voir les montages financiers gardés dans les cabinets d’avocats… », précisément ceux d’un ancien magistrat du Parquet. Et encore : « Il n’y a aucune raison à modifier pour renforcer les dispositions déjà inscrites dans le CPP. Il faut bien distinguer pour l’avocat entre ses activités de défense qui doivent et qui sont déjà bien protégées par le CPP de ses activités de conseil qui ne doivent absolument pas entrer dans ce champ de protection. Il ne faut absolument pas faire d’amalgame entre ces deux versants du métier d’avocat si ce n’est à rendre quasi « intouchable » l’avocat hormis le cas d’un délit flagrant. La limite entre le conseil et le « hors la loi » peut être fine dans certaines affaires de blanchiment par exemple. L’intégrité ou l’absence d’intégrité dans certains cas ne doit pas pouvoir se justifier et être protégée par le secret professionnel »1.
Cette préoccupation semble gangrener certains esprits soucieux d’en découdre avec la profession d’avocat toujours critiquée pour son rôle de conseil en matière juridique et plus précisément en matière d’optimisation fiscale, qui ne serait rien d’autre qu’une fraude et non l’exercice brillant d’une activité intellectuelle, ou en matière de lutte contre le blanchiment pour ne jamais faire de déclarations de soupçons qui devraient englober contra legem également la délation de l’infraction primaire. Le législateur prend un malin plaisir à criminaliser par principe la matière grise de l’avocat.
Il est inadmissible de suspecter les avocats par principe de la commission d’une infraction parce qu’ils exercent une activité de conseil précisément d’assistance juridique.
La profession a dénoncé le texte de la commission mixte paritaire en ce qu’il portait une atteinte directe au rôle qu’attribue la Chambre criminelle de la Cour de cassation au Bâtonnier en matière de contestation de perquisition, alors que le Bâtonnier est investi à l’occasion de l’exercice de ses prérogatives d’une mission de protection des droits de la défense. Cette atteinte demeure car le secret du conseil pour l’assistance juridique a l’apparence d’un secret au rabais compte tenu de ce que le texte donne l’impression de contenir ce qu’il convient d’appeler une présomption de culpabilité qui pèse sur le client et l’avocat dans les matières énumérées par l’article 56-1-2 du CPP. D’où l’importance de la contestation du Bâtonnier et du tiers pour rétablir un équilibre, même s’ils devront alors redoubler d’efforts en pratique pour protéger le secret professionnel du conseil.
L’évolution législative et jurisprudentielle s’oriente par ailleurs quand même de manière positive vers un justiciable à qui le législateur et la jurisprudence transmettent le secret professionnel de l’avocat comme un devoir de le respecter dans certains cas précis de procédure pénale et un droit de l’invoquer pour contester une saisie chez soi. Elle semble contredire ce souhait gouvernemental irrépressible de voir l’avocat s’ériger en toutes matières comme le délateur zélé de son client auprès des autorités administratives au mépris du secret professionnel dont la CEDH réduit la portée en matière de déclaration de soupçon et uniquement dans ce strict cadre. L’avocat devrait dénoncer en toutes matières son client et à propos de tout à l’image du commissaire aux comptes qui doit passer un temps certain à gérer la contradiction qui anime la défense des intérêts privés et celle de l’ordre public. Or à l’inverse, le client soupçonné et plus tard perquisitionné, dispose d’un pouvoir de contestation d’une saisie pour faire respecter le secret du conseil et de la défense sauf à discuter devant le JLD, puis le Président de la chambre de l’instruction et plus tard la Cour de cassation, de l’étendue du secret ainsi protégé.
Les avocats ne sont pas tenus au respect des dispositions de l’article 40 alinéa 2 du Code de procédure pénale qui ne concerne que les fonctionnaires et les officiers publics qui malheureusement peuvent finir par se convaincre dans un élan irrépressible que toutes les professions réglementées y sont assujetties.
Que Bercy, l’AFA, la DGFIP, la DGCCRF et TRACFIN pour qui le secret à évincer est toujours celui des autres, et constamment soucieux, de manière légitime, de la garantie du secret pour eux-mêmes à raison de la nature de leur activité et du caractère sensible de leurs dossiers, l’entendent bien : Le Bâtonnier est « chargé de la protection des droits de la défense » avec une mission à valeur constitutionnelle en matière de secret de la défense et de secret du conseil pour la défense et le juridique.
Cette réforme laissait craindre initialement la réduction des prérogatives du Bâtonnier contestataire en matière de secret du conseil à propos des qualifications dérogatoires.
Il n’en est rien.
Un Bâtonnier et un justiciable, praticiens aguerris de la contestation des perquisitions, ont la faculté de jongler avec les nouveaux textes, certes critiquables par la suspicion qu’ils génèrent sur l’activité de conseil.
L’autorité du Bâtonnier est finalement confirmée en matière de protection du secret du conseil à tous égards. De plus, le justiciable se voit conférer par l’article 56-1-1 du CPP un nouveau rôle, qu’il soit juriste salarié d’une entreprise ou non : celui d’organiser au premier chef la défense du secret professionnel tel que défini au deuxième alinéa réformé de l’article 56-1 du CPP. La personne perquisitionnée, qui peut être le client personne physique ou personne morale, dispose désormais d’un pouvoir de contestation pour la protection du secret de la défense et du conseil à propos de la défense. Si bien qu’avocat perquisitionné et client perquisitionné simultanément ont vocation à se retrouver devant le JLD avec le Bâtonnier et les avocats de la défense respectifs et plus tard devant le président de la chambre de l’instruction par la voie de l’appel. Reste la contestation pour la protection du conseil pour l’assistance juridique qu’aucune disposition textuelle n’interdit du côté du Bâtonnier comme du justiciable.
La Chancellerie a effectivement répété à l’envi qu’il n’aurait jamais été question de remettre en cause le pouvoir de contestation du Bâtonnier. Mais en réalité, elle n’ évoquait que la seule présence du Bâtonnier sur place, à écouter le Garde des Sceaux lui-même. La profession redoutait un Bâtonnier présent mais inerte faute de pouvoir opposer le secret du conseil (pour l’activité juridique) dans les matières dérogatoires face à l’affirmation péremptoire d’un magistrat qui perquisitionnerait, arguant de l’existence d’une « preuve » de participation à la commission d’une infraction à partir d’un simple commentaire des pièces saisies sur place, en cabinet d’avocat.
En fait, il est apparu clairement après le vote de la CMP que le texte de l’article 56-1-2 du CPP était muet non seulement sur la présence du Bâtonnier mais aussi sur son pouvoir de contestation des saisies.
Ce texte constituait une exception si bien que la contestation du Bâtonnier était en risque pour la défense du secret du conseil, pour la défense comme pour l’assistance juridique. Le Bâtonnier ne pouvait plus demander un placement sous scellés fermés. Ce danger était difficilement perceptible par des personnes qui ne pratiquent pas la contestation des perquisitions chez les avocats, qui est devenue une spécialité à manier avec circonspection et qu’il faut ajouter aux textes définissant les spécialités de la profession. Il a fallu porter un regard de praticien sur ce texte. En marge des dénégations de la Chancellerie, il est apparu que certains magistrats souhaitaient cet amoindrissement des pouvoirs du Bâtonnier pour en avoir souffert par le passé à travers de multiples contestations couronnées de succès devant le JLD.
En effet, l’inopposabilité se traduit en droit positif comme la privation d’effet juridique. Et le secret du conseil ne pouvait dès lors plus être opposé par le Bâtonnier autorité investie de la mission de le protéger par l’exercice des droits de la défense. Il faut insister sur la gravité de cette atteinte au libre fonctionnement du cabinet d’avocat car l’avocat perquisitionné, au contraire du « tiers » visé à l’article 56-1-1 du CPP, ne peut pas contester en perquisition même s’il peut désormais exercer un recours par la voie de l’appel contre l’ordonnance du JLD qui valide les saisies et plus tard un pourvoi en cassation contre la décision du président de la chambre de l’instruction.
En l’état du texte de la CMP avant amendement gouvernemental, les praticiens de la contestation des perquisitions étaient légitimes à craindre ou bien l’absence du Bâtonnier, ou bien la présence du Bâtonnier mais sans pouvoir de contestation, compte tenu de l’affirmation d’une inopposabilité du « secret du conseil » en perquisition. C’est pourquoi, le rajout à la demande de la profession des mots « sans préjudice des prérogatives du Bâtonnier ou des droits de la personne perquisitionnée » confirme le Bâtonnier en matière de secret du conseil pour la défense et l’activité juridique dans son pouvoir de contestation qui est d’ordre public, comme d’ailleurs celui de la personne perquisitionnée.
La circulaire du 28 février 2022 qui ne peut que s’incliner à ce sujet, confirme cette solution :
« Enfin, il convient de souligner que l’article 56-1-2 rappelle expressément que cette limitation de la protection du secret du conseil pour certaines infractions s’applique « sans préjudice des prérogatives du bâtonnier ou de son délégué prévues à l’article 56-1 et des droits de la personne perquisitionnée prévues à l’article 56-1-1 ». L’intervention du bâtonnier lors de perquisition dans un cabinet d’avocats pour ces infractions demeure nécessaire, et l’article 56-1-2 s’applique sans préjudice de la possibilité qui est donnée au bâtonnier ou à son représentant ou à la personne chez laquelle la perquisition a lieu, de s’opposer à la saisie d’un document, et d’imposer en conséquence que cette contestation soit examinée par le juge des libertés et de la détention, puis, en cas de recours, par le président de la chambre de l’instruction ».
Pourtant, le secret professionnel est indivisible et participe de l’exercice des droits de la défense en matière de conseil pour l’activité juridique et en matière judiciaire ou juridictionnelle. Un bon conseil en matière juridique est susceptible de constituer le pilier sur lequel se fondera ultérieurement une défense efficace. Cependant, la circulaire du 28 février 2022 développe des explications casuistes en réduisant le secret du conseil au conseil donné pour la défense, sans l’étendre jusqu’au conseil en matière d’assistance juridique :
« Il découle des nouvelles dispositions que le secret du conseil est désormais protégé, mais à la condition qu’il se rapporte à l’exercice des droits de la défense ».
Et encore, pour d’autres subtilités en matière de secret du conseil pour la défense, l’affirmation par la circulaire d’une protection très relative à ce sujet : « Le législateur a en effet estimé que « celui qui prend conseil parce qu’il s’attend à être prochainement poursuivi ou parce qu’il sait avoir commis une infraction pénale prépare en réalité déjà sa défense » doit voir protégés ses échanges avec son avocat, même si aucune procédure pénale n’est déjà engagée, ou, si c’est le cas, même si la personne n’est pas encore mise en cause dans cette procédure et a fait connaître aux enquêteurs ou aux magistrats le choix de son conseil. Sous réserve de la jurisprudence à venir de la Cour de cassation, il apparaît ainsi que cette protection s’appliquera lorsqu’une personne a commis ou pense avoir commis une infraction, mais non lorsque des conseils sont demandés à un avocat avant toute commission d’une infraction, et qu’il s’agit donc de conseils qui auraient pu être sollicités auprès de toutes autres personnes exerçant des missions de conseil juridique, comme par exemple des notaires ».
La circulaire consacre le secret du conseil de la défense entre avocat et client dans le cas d’un risque judiciaire sans exiger une mise en cause par une convocation en garde à vue ou en interrogatoire de première comparution.
Le barreau devrait crier victoire face à l’expression d’une évidence que cependant aucune disposition de la loi pour la confiance n’ édicte expressément, à un point tel que constatant un vide juridique, la circulaire déclare forfait et s’en rapporter à la jurisprudence « à venir » de la Cour de cassation qui devra dire le droit au lieu et place du législateur en ayant l’élégance de revirer sa jurisprudence du 22 mars 2016 (Cass. crim. n°15-83.206).
Il est clair en tous cas que la circulaire exclut le secret de la relation avocat/client en l’absence d’évocation entre l’avocat et son client d’un risque judiciaire en matière pénale. Elle réintroduit de manière aberrante toutes les dérives que la profession d’avocat a dénoncées dans le cadre des débats parlementaires. Notamment sur l’atteinte à la nature confidentielle de la relation avocat /client quelle qu’en soit la teneur et qu’il faudrait alors violer en la révélant en perquisition pour en fixer la nature et les limites. Faudra-t-il que de manière systématique, pour protéger le secret, l’avocat soit chargé par le client en toutes matières d’une mission incluant une défense proprement dite ou un conseil pour la défense afin que le secret soit mieux préservé ? Faudra-t-il divulguer les confidences du client pour en examiner la nature et dès lors définir leur système de protection ?
La circulaire est une source d’insécurité juridique. Elle n’inspire pas « confiance ».
Les avocats pourront toujours tenter de définir la relation qui les unit à leur client par un document contractuel, convention d’honoraires, lettre de mission… en précisant la nature de la mission qui leur est confiée, celle de défense, celle de conseil pour la défense, celle de conseil pour l’assistance juridique mais une telle précaution n’empêchera jamais la mesure intrusive et la saisie d’un tel document destiné à être révélé. Pourtant, le secret professionnel de la défense comme du conseil pour la défense et pour le juridique, a valeur constitutionnelle puisque la mission du Bâtonnier, pour la Chambre criminelle, consiste en perquisition à protéger les droits de la défense, à l’occasion de contestations des saisies de documents couverts par le secret. Or les droits de la défense ont valeur constitutionnelle comme l’a jugé le Conseil Constitutionnel. Dès lors la mission du Bâtonnier protecteur des droits de la défense en contestation des saisies d’éléments secrets, a valeur constitutionnelle.
En effet, l’article 56-1 du CPP régit les perquisitions chez l’avocat avec le rôle contestataire et constitutionnel du Bâtonnier.
La mission du Bâtonnier a valeur constitutionnelle :
Le Bâtonnier ou son délégué agit dans le cadre d’une mission d’auxiliaire de justice chargée de la protection des droits de la défense comme le juge la chambre criminelle (Crim. 8 janvier 2013, n°12-90.063): « Attendu que le Bâtonnier de l’ordre des avocats n’est pas, au sens de l’article R. 49-21 du code de procédure pénale, une partie lorsqu’il exerce les prérogatives qui lui sont données par l’article 56-1 dudit code à l’occasion d’une perquisition dans un cabinet d’avocat, dès lors qu’il agit dans le cadre d’une mission d’auxiliaire de justice chargée de la protection des droits de la défense ».
Par arrêt du 25 juin 2013 (n°12-88.021), la Chambre Criminelle maintenant l’arrêt de la Chambre de l’Instruction a retenu que « le Bâtonnier ou son délégué est présent et exerce tout au long de la perquisition son contrôle avant toute éventuelle saisie d’un document en exprimant son opposition à la saisie lorsque celle-ci peut concerner d’autres infractions que celle mentionnée dans la décision ».
Par un autre arrêt du 9 février 2016 n° 15-85063 elle a réaffirmé ce rôle : « Le Bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense ».
Enfin, par arrêt rendu le 18 janvier 2022 (n°21-83751), la Chambre criminelle réaffirme ce rôle et l’exigence de motivation de la décision de perquisition : « L’absence, dans la décision prise par le magistrat, des motifs justifiant la perquisition et décrivant l’objet de celle-ci, qui prive le bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, de l’information qui lui est réservée et qui interdit ensuite le contrôle réel et effectif de cette mesure par le président du tribunal judiciaire éventuellement saisi, porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’avocat concerné ».
Cette mission de protection des droits de la défense intègre la défense du secret professionnel en perquisition chez l’avocat que ce soit en matière de défense ou de conseil (les notions de défense ou de conseil intègrent celles de « domaine juridique » ou « domaine judiciaire »).
Par arrêt rendu le 8 août 2007 (n°07-84252), la Chambre criminelle a jugé qu’il incombait au juge des libertés et de la détention d’exercer le contrôle prévu par les alinéas 4 à 7 de l’article 56-1 du CPP « afin de rechercher si la saisie des données informatiques ne portait pas atteinte au libre exercice de la profession d’avocat, au respect du secret professionnel et à celui des droits de la défense ».
La mission du Bâtonnier consiste donc à défendre en perquisition le libre exercice de la profession d’avocat, le respect du secret professionnel et les droits de la défense.
L’article 56-1 du CPP édicte des règles qui, au moins en tant qu’elles visent à préserver les droits de la défense, sont d’ordre public.
Pour la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, la perquisition en cabinet d’avocat constitue une « ingérence », dans le « domicile » que constitue le domicile ou le cabinet d’avocat, destinée à porter atteinte au secret professionnel et aux droits de la défense dont le Bâtonnier ou son délégué est le garant par sa présence qualifiée par la CEDH de « garantie spéciale de procédure » et s’agissant des avocats, la CEDH a jugé par ce même arrêt du 21 janvier 2010 (Xavier Da Silveira c. France, requête n° 43757/05) que « les avocats occupent une situation centrale dans l’administration de la justice et leur qualité d’intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux permettant de les qualifier d’auxiliaires de justice ».
Les prérogatives contestataires du Bâtonnier sont consacrées dans le cadre de l’application des dispositions de l’article 56-1-2 du CPP qui envisagent des exceptions à l’inopposabilité du secret professionnel du conseil pour la défense ou le juridique cependant subordonnées à l’exigence de « preuve ».
L’exigence de « raisons plausibles » contre l’avocat « en cause » avant perquisition :
Doivent exister d’une manière générale contre l’avocat avant la perquisition des « raisons plausibles » puis, en matière de secret du conseil, lors de la perquisition et devant le JLD ou le président de la chambre de l’instruction, des « preuves » de l’utilisation des éléments confidentiels saisis à des fins délictueuses. Il faut rappeler la nécessité de marquer « des raisons plausibles » pour pratiquer une perquisition chez l’avocat que l’on présente comme en cause comme le prévoit l’article 56-1 réformé. Le critère de « l’indice effectif, antérieur à la perquisition », dégagé en jurisprudence par le JLD, bien plus fort, n’a pas été consacré par le législateur alors que le Barreau l’avait exigé dans le cadre des travaux de la commission Mattei. Il devra s’imposer en pratique en tous cas pour la contestation des éléments saisis en relation avec le secret de la défense.
En effet, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu le 16 mars 2021 (n°20-87.092) un arrêt selon lequel « la constatation de l’existence de raisons plausibles de soupçonner que la personne a commis les infractions reprochées ne permet pas de déduire l’existence d’indices graves ou concordants de sa participation à ces mêmes faits, cette dernière exigence étant plus stricte que la première ».
Le critère de « l’utilité à la manifestation de la vérité », souvent invoqué par les magistrats devant le JLD, cède la place en matière de secret du conseil à l’exigence de « preuve » qui suppose, en pratique, le constat in concreto intrinsèque dans chaque pièce de l’utilisation par l’avocat au premier chef à des fins prétendument délictueuses et par le client pour autant que l’avocat perquisitionné soit impliqué. En revanche, les autres critères d’indices intrinsèques dégagés par le JLD demeurent en matière de secret de la défense.
C’est devant le JLD que ces questions seront débattues. La mission du JLD consistera à trancher inévitablement le fond du dossier à l’occasion du débat sur la « preuve » dont la circulaire indique de manière surprenante qu’il sera centré sur le rôle du client sans même que l’avocat puisse être soupçonné. C’est pourquoi, la présence du Bâtonnier avec pouvoir de contestation est fondamentale. Il appartiendra au Bâtonnier de contester in concreto avec dextérité et sagacité pour éviter les débats risqués devant le JLD qui plus que jamais devient en fait le juge de l’innocence ou de la culpabilité. Il faut aussi parfois savoir s’abstenir de contester ou savoir renoncer à une contestation de saisie devant le JLD en accord avec l’avocat perquisitionné. De ces débats, le Bâtonnier est sorti renforcé dans son pouvoir de contestation avec un accroissement corrélatif de sa responsabilité en sa qualité de protecteur des droits de la défense comme le rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 18 janvier 2022 (n°21-83751).
L’exigence de « preuve » de l’utilisation des pièces saisies à des fins délictueuses en matière de secret du conseil et pour des infractions précises de trafic d’influence, de financement du terrorisme, de corruption, de fraude fiscale et de blanchiment :
La question de la « preuve » devient la pierre angulaire des débats devant le JLD et le Président de la Chambre de l’instruction en matière de secret du conseil. Le nouveau texte de loi limite les hypothèses d’inopposabilité du secret du conseil qu’il ne définit pas, à certaines matières que sont la fraude fiscale, la corruption, le trafic d’influence, le financement du terrorisme et le blanchiment de ces infractions, pour autant que soit rapportée la « preuve » de l’utilisation des pièces saisies à des fins délictueuses. La saisie des documents n’est possible que si les pièces saisies « établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions ». Il est clair qu’en pratique, ce débat concernera le rôle de l’avocat en matière de conseil pour la défense et le juridique. Et contrairement à ce que dit contra legem la circulaire, une saisie ne sera possible qu’à condition que l’avocat soit soupçonné. S’il ne l’est pas, aucune saisie ne sera possible.
Le Bâtonnier par sa contestation sera donc à l’origine d’un débat sur la « preuve », d’abord devant le JLD en première instance, à partir d’une analyse intrinsèque de chacune des pièces saisies, l’analyse se faisant « pièce par pièce », ensuite devant le président de la Chambre de l’instruction, puisqu’un appel est possible auprès du greffe du JLD de la part du Parquet, du Bâtonnier et de l’avocat perquisitionné dans les 24 heures de l’ordonnance du JLD. En l’état des textes, le secret du conseil dans sa généralité ne s’évince que contre la démonstration de la « preuve » de l’utilisation des documents saisis à des fins délictueuses. Le texte est imprécis car il faudrait démontrer la participation directe de l’avocat à la commission d’une infraction par un examen intrinsèque des pièces saisies. Ce critère de la « preuve » s’impose en matière de secret du conseil de la défense et est évidemment susceptible d’être appliqué pour la défense du secret du conseil purement juridique.
Certes, il est exact que cette preuve est généralement difficile voire impossible à rapporter à partir d’un document unique. C’est d’ailleurs ce qu’a soutenu l’USM dans sa contribution extérieure au Conseil constitutionnel en précisant que cette preuve ne résulte jamais d’un unique document saisi, ce qui est vrai en pratique, et en réduisant, à tort, le secret du conseil à la seule activité juridique : « La seule protection prévue par cette loi pour l’objectif de lutte contre la fraude fiscale est donc le 1°, mais cette exception exige que les documents « établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions. » S’agissant de montages fiscaux ou sociaux complexes, à moins d’une imprudence extrême, jamais un seul document ne peut montrer en quoi le montage est frauduleux ».
Les avocats prennent acte de ce débat annoncé par la magistrature comme impossible qui devrait dissuader les magistrats les plus zélés à pratiquer l’intrusion débridée. En outre, cette exigence de « preuve » dépasse donc le débat sur l’existence de « raisons plausibles » requises par le nouveau texte de l’article 56-1 du CPP pour pouvoir perquisitionner un avocat lorsqu’il est personnellement soupçonné. Le débat devant le JLD sur la contestation du Bâtonnier en matière de secret du conseil deviendra un débat sur l’étendue et la nature du conseil de l’avocat et sur la « preuve » de l’utilisation des pièces saisies à des fins délictueuses par l’avocat et son client.
Le JLD, juge de l’autorisation de perquisition, en amont, et juge de la contestation de la perquisition, en aval :
C’est le JLD qui autorise désormais, en amont, toute perquisition chez l’avocat. La perquisition ne se fera plus sur le fondement de la décision du juge d’instruction ou du procureur mais en vertu de l’ordonnance prise par le JLD. Cette décision dessaisit le magistrat en charge de la procédure de son pouvoir de perquisition.
Si cette décision d’autorisation de perquisitionner est insusceptible de recours – en l’état, alors que le recours existe en matière de visite domiciliaire par une autorité administrative (DGFIP, ADLC, AMF) – il en va différemment de la décision qui statue sur la contestation du Bâtonnier qui peut interjeter appel, comme la personne perquisitionnée visée à l’article 56-1-1 du CPP, dans les 24 heures du prononcé de l’ordonnance validant une saisie au greffe du JLD. Il appartiendra alors au président de la chambre de l’instruction d’organiser un nouveau débat, toujours en présence du Bâtonnier ou de son délégué.
Restera aussi la possibilité d’un pourvoi en cassation, la chambre criminelle étant très attentive à l’exigence de motivation de la décision du JLD de perquisition originelle pour pouvoir ensuite apprécier la régularité de l’ordonnance du JLD validant des saisies, comme elle l’a jugé par deux arrêts essentiels des 8 juillet 2020 (n°19-85491) et 18 janvier 2022 (n°21-83751). Le JLD en charge de juger la contestation des saisies comme plus tard le président de la chambre de l’instruction, a vocation à devenir le juge du JLD de l’autorisation de perquisition.
L’extension jurisprudentielle du secret du conseil à propos de la défense au juriste non-avocat salarié :
En marge de la réforme législative, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a étendu le périmètre du secret du conseil à propos de la défense. Par arrêt du 26 janvier 2022 (n°17-87359), la Chambre criminelle a étendu le périmètre du secret du conseil à propos de la défense en jugeant que les données essentielles de la correspondance échangée entre l’avocat et son client, relatives à une stratégie de la défense, demeurent couvertes par le secret professionnel lorsqu’elles sont ensuite échangées entre des personnes non-avocates, dans le cas d’espèce, deux salariés juristes d’entreprise. Ainsi, pour la Chambre criminelle, le statut de juriste salarié, non-indépendant, n’empêche pas de consacrer le bénéfice du secret professionnel du conseil relatif à la défense. La Cour suprême prend le contrepied de la solution dégagée par l’arrêt AKZO NOBEL (CJUE 14 septembre 2010) par lequel elle avait décidé que la situation juridique au sein des Etats membres ne justifiait pas d’envisager un développement de la jurisprudence dans le sens d’une reconnaissance, aux avocats internes en entreprise, du bénéfice de la protection de la confidentialité.
Le secret du conseil participe de l’exercice des droits de la défense d’une manière générale et en perquisition en particulier.
Ainsi, les conseils donnés avant contentieux doivent être considérés comme couverts par le secret de la défense. Conseiller c’est défendre, défendre c’est conseiller, comme le prévoit l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne : « toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter ».
L’arrêt du 26 janvier 2022 (n°17-87359) est fondamental. L’Ordre des avocats de Paris était intervenu volontairement avec succès dans cette procédure pour la défense du secret. En cette matière particulière de la visite domiciliaire de l’Autorité de la concurrence – que l’on peut appeler perquisition – le secret de la défense est consacré dans la relation de l’avocat avec son client, en l’occurrence une personne morale, mais pas uniquement. Par extension, est consacré le secret de la correspondance échangée entre deux salariés, directeurs juridiques non-avocats, car cette correspondance reproduit les termes de la correspondance avocat-client, elle-même confidentielle et relative à la stratégie de défense perçue comme une donnée essentielle.
Cette stratégie de défense participe de l’activité de conseil stricto sensu de l’avocat à l’égard de son client personne morale, pour la défense à envisager dans l’éventualité d’une visite domiciliaire d’une autorité administrative. En revanche, le secret du conseil à propos de l’activité juridique, en tant qu’il se déplacerait d’une correspondance avocat/client à deux juristes n’est pas en l’état consacré par cet arrêt. Rien n’interdit pourtant à des esprits audacieux de l’invoquer. En d’autres termes, la Cour de cassation – comme avant elle le premier président de la Cour d’appel de paris ayant rendu l’ordonnance validant des contestations de saisies d’éléments confidentiels – consacre le fait que la stratégie de défense contenue dans un courrier confidentiel, couvert par le secret professionnel, puisse être considérée comme une donnée à ce point essentielle qu’il faut la partager et en discuter entre juristes d’entreprise salariés.
Il y a un secret du conseil relatif à l’exercice des droits de la défense qui peut donc être déplacé entre deux personnes non-avocates en l’occurrence deux directeurs juridiques salariés. Cette extension du secret du conseil de la défense participe du droit du justiciable à un procès équitable notamment en ce qu’il comprend le droit de tout « accusé » de ne pas contribuer à sa propre incrimination comme le juge la CEDH. Cette jurisprudence a une incidence directe sur l’application de l’article 56-1-1 du CPP : Il appartiendra au juriste d’entreprise de se former à la contestation des saisies et de solliciter l’avocat de l’entreprise dont la présence n’est pas encore expressément prévue dans les textes en perquisition à l’exception de l’audience devant le JLD.
La loi pour la confiance telle qu’elle a été modifiée après la protestation des avocats dont précisément celle de l’Ordre de Paris, renforce les droits du Bâtonnier en matière de contestation de perquisitions chez l’avocat, précisément en matière de secret du conseil pris dans sa globalité dans les hypothèses de corruption, de trafic d’influence, de fraude fiscale, de financement du terrorisme et blanchiment de ces infractions. Mais pas seulement. Elle institue aussi une nouveauté pour le justiciable : le droit pour un tiers non-avocat – donc notamment le client personne physique ou personne morale – de contester lui-même ou par son directeur juridique, la saisie en matière judiciaire d’éléments relatifs au secret professionnel de la défense et du conseil pour la défense.
L’article 56-1-1 nouveau du Code de procédure pénale qui institue cette faculté de contester une saisie en perquisition chez le client, renvoie au deuxième alinéa réformé de l’article 56-1 sur les perquisitions chez l’avocat consacrant le secret du conseil et de la défense dans les termes suivants : Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d’avocat et « à ce qu’ aucun document relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret de la défense et du conseil prévu par l’article 66-5 de la loi de 1971 ne soit saisi et placé sous scellé ».
Aujourd’hui, il est donc permis au client de contester la saisie de ces éléments effectuée dans ses murs par l’autorité judiciaire à charge pour cette autorité de saisir le juge des libertés et de la détention (JLD) qui tranchera cette contestation. Les protagonistes se retrouvent alors dans la configuration mécanique de la perquisition au cabinet d’avocat contestée par le Bâtonnier, le magistrat devant lui-même saisir le JLD.
La loi nouvelle représente un progrès considérable, que la circulaire semble vouloir restreindre et dénaturer.
Au plan de l’exercice des droits de la défense pour la protection du secret en perquisition par le client lui-même et en pratique pour les personnes morales par leurs directeurs juridiques qui doivent se former à cette contestation car ils seront présents lors de l’audience du JLD. Des séances de formation à la contestation doivent absolument être mises en place entre juristes d’entreprise et avocats. A plus forte raison dans les hypothèses de perquisitions simultanées chez l’avocat de l’entreprise et chez son client. La contestation du Bâtonnier interviendra simultanément à celle du client lui-même. Alors Bâtonnier et justiciable se retrouveront tous deux devant le JLD puis devant le Président de la Chambre de l’instruction en cas d’appel, pour organiser une stratégie de défense commune, partagée aussi avec les avocats de la défense de l’avocat perquisitionné et ceux du client perquisitionné.
Le juriste d’entreprise a une place de premier rang à occuper en pratique en cette matière de la contestation des saisies.
Aussi, la présence de l’avocat de la défense s’impose en perquisition car en l’état, elle n’est prévue que pour les perquisitions des autorités administratives. Cette présence de l’avocat de la défense en perquisition judiciaire avait été adoptée en première lecture de l’article 3 de la loi pour la confiance. Il n’existe aucune difficulté à cette évolution.
En pratique, le débat devant le JLD et le Président de la Chambre de l’instruction concernera l’étendue du secret protégé :
Le conseil ne précède pas seulement la défense. Il l’a nourri. Il en est le carburant. Il conviendra que la Cour de cassation fasse évoluer sa jurisprudence, en matière de concurrence notamment, à propos du secret du conseil pour l’activité juridique qui doit être expressément consacré sans ambiguïté, ce qui n’est pas le cas actuellement contra legem. La jurisprudence devra aller au-delà du texte de l’article 56-1 réformé de la loi pour la confiance et consacrer que le client est bien fondé, par son directeur juridique en pratique conseillé par son avocat, à organiser une contestation de toute saisie d’éléments relatifs au secret du conseil dans son acception de secret professionnel de l’activité juridique.
Puisque la circulaire est en attente de la jurisprudence « à venir » de la Cour de cassation, l’article 56-1 dans sa rédaction nouvelle est une incitation à la consécration, par la Chambre criminelle, du secret professionnel en matière de conseil juridique pur hors stratégie de défense dans ce domaine de la visite domiciliaire par l’autorité administrative, comme l’Autorité de la concurrence, par exemple. Il faudra que la chambre criminelle consacre ce qui est déjà inscrit dans la loi à savoir l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 que la loi pour la confiance ne remet nullement en cause.
C’est le sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE (CJUE) qui contrairement à la loi française ne divise pas le secret professionnel en matière de conseil et de défense mais en assure son unicité. Sa jurisprudence depuis le célèbre arrêt REYNERS du 21 juin 1974 et par suite l’arrêt MINISTERAAD du 6 juin 2019 consiste à dire que le secret professionnel s’applique d’évidence tant à la défense qu’au conseil juridique préalable à la défense ou encore au conseil isolé qui correspond à une activité strictement juridique en dehors de tout exercice d’une activité judiciaire ou juridictionnelle précisément à la « consultation » et à « l’assistance juridique ».
Relevons également les arrêts de la CEDH 24 mai 2018 Laurent c. France et 27 avril 2017 Sommer c. Allemagne à propos du caractère confidentiel de la correspondance avocat-détenu et du caractère confidentiel des informations figurant sur le compte bancaire de l’avocat pour ce qui concerne ses honoraires lesquels sont par principe couverts par le secret.
Le client n’est pas tenu au secret professionnel stricto sensu mais force est de constater qu’avec les nouvelles dispositions de la loi pour la confiance, le client a la possibilité de défendre le secret du conseil pour la défense et le secret de la défense : Dans certains cas précis, le client doit-il être considéré comme astreint au secret professionnel ? Par exemple, dans un autre domaine, celui de l’article 114-1 du CPP, en matière de communication d’un dossier pénal en cours d’instruction, lorsqu’un avocat ne se voit pas opposer un refus par un magistrat instructeur de remettre la copie d’un dossier d’instruction en cours à un client, ce dernier ne peut pas transmettre ce document à un tiers parce qu’il est notamment couvert par le secret de l’instruction ou par le secret professionnel de l’avocat à l’occasion de l’instruction. Les sanctions en cas de violation ont été lourdement aggravées par la loi pour la confiance qui prévoit des peines de 45 000 euros d’amende et de 3 ans d’emprisonnement (auparavant, il s’agissait de 10 000 euros d’amende). Il semble donc que pèse également sur le client, qui pourtant n’est pas tenu au secret, à propos du dossier pénal, une obligation de respect du secret de l’enquête ou de l’instruction qui est avant tout une déclinaison du secret de l’avocat.
On s’oriente ainsi vers un nouveau statut du client qui doit respecter le secret dans ce cas précis et à qui l’on transmet en outre la possibilité de défendre en perquisition le secret professionnel de l’avocat en matière de défense et de secret du conseil pour la défense. Il devient ainsi un acteur du procès pénal qui se doit de respecter le secret pour la remise du dossier pénal en cours d’instruction et de défendre le secret de la défense et du conseil.
En conclusion, la prochaine réforme législative devra permettre au Bâtonnier, à l’avocat perquisitionné, au justiciable perquisitionné et à l’avocat de la défense d’avoir accès au dossier pénal en perquisition comme devant le JLD et le Président de la Chambre de l’instruction car en l’état seuls le parquet, le juge d’instruction et le JLD y ont accès. Il faudra aussi légiférer sur la saisie des éléments électroniques et numériques en indiquant expressément dans les textes qu’un ordinateur ou un téléphone portable sont de véritables cabinets d’avocats dématérialisés dont la fouille par mots clés obéit aux règles de la perquisition chez l’avocat, étant précisé que la CEDH a condamné récemment l’Estonie à propos de la saisie des données du téléphone et d’un ordinateur d’un avocat en estimant que le secret professionnel avait été violé, qualifiant les avocats « d’officiers du droit » (« officers of the law ») (CEDH 16 novembre 2021 SARGAVA c. Estonie, §89).
Sur un autre aspect, à partir de l’évolution législative et jurisprudentielle, il semble que se profile en réalité un autre statut de l’avocat. Celui de l’avocat en entreprise, indépendant ou salarié, souverain dans l’exercice de son art, avec une déontologie forte, un secret professionnel unique pour le conseil juridique stricto sensu, le secret du conseil de la défense et le secret de la défense judiciaire, d’ordre public, général, absolu, éternel.
Notre vigilance sera sans concession aucune. A chaque instant en perquisition par la contestation par principe et tous azimuts comme une incarnation du principe de l’égalité des « armes » pour la sauvegarde des droits de la défense, du secret de la défense, du secret du conseil pour la défense, et du secret du conseil pour l’activité strictement juridique. Quelles que soient les circonstances, et par-delà le respect des bienséances et convenances protocolaires avocats/ magistrats, nous ne céderons ni ne renoncerons jamais.
- Contribution Alliance Police Nationale en annexe au rapport de la Commission Mattei.