Communiqué : Sérieusement ?

 De la résolution du Conseil national des barreaux votée le 3 juillet 2023 contre la confidentialité des avis des juristes d’entreprise

L’ACE soutient le principe de la confidentialité des avis des juristes d’entreprise pour les consultations juridiques qu’ils donnent en interne à leurs organes de direction et à leurs services ainsi que la position équilibrée exprimée par le Barreau de Paris lors du vote de son conseil de l’Ordre du 13 juin 2023. Malheureusement le CNB vient de voter lundi 3 juillet 2023 une résolution exprimant son opposition de principe à cette confidentialité. L’ACE a voté contre cette résolution.

Les avocats qui travaillent avec les entreprises savent que ces clientes qui ont des juristes d’entreprise ont recours aux avocats en raison de leurs compétences et expertises, soit parce que dans un dossier donné leurs juristes en ont besoin, soit parce que ces derniers, surchargés de travail, ont besoin d’un prestataire extérieur pour traiter certains dossiers de l’entreprise. En matière de conseil pour des affaires internes à l’entreprise, le recours à l’avocat n’est pas motivé par le secret professionnel de l’avocat, lequel secret du conseil reste d’ailleurs mal protégé en France. Et en matière de défense, le recours à l’avocat est naturel.

Au sein des entreprises, la confidentialité des avis des juristes d’entreprise n’a donc pas vocation à se confondre avec le secret professionnel de l’avocat ni à constituer, à la lecture du projet de texte en cause, une nouvelle profession réglementée.

La profession de juriste d’entreprise est aujourd’hui distincte de celle de l’avocat tant que l’avocat en entreprise n’est pas encore reconnu. La profession d’avocat ne peut donc pas prétendre organiser l’exercice professionnel des juristes en entreprise dès lors que leur projet n’entame aucunement les prérogatives de la profession d’avocat reconnues pour le bénéfice de leurs clients.

En interne, la confidentialité des avis n’a non seulement pas la même source, mais elle n’a surtout aucune vocation à se confondre avec le secret professionnel ni à constituer, à la lecture du projet de texte en cause, une nouvelle profession réglementée. Il est donc inexact de penser que le principe de la confidentialité des avis des juristes d’entreprise serait une menace pour la profession d’avocat ou le secret professionnel de l’avocat, deux notions totalement distinctes à régime légal distinct. L’ACE rappelle son attachement à une protection de ces avis in rem, c’est-à-dire attachés à l’acte, non à la personne.

La profession de juriste d’entreprise ne se confondra jamais avec celle de l’avocat. Ce n’est pas à la profession d’avocat de prétendre organiser l’exercice professionnel des juristes en entreprise, dès lors que leur projet n’entame aucunement le régime de cette profession.

Les entreprises françaises et celles installées en France ont besoin de la confidentialité des avis de leurs juristes pour renforcer leur compétitivité et pour atteindre les buts monumentaux visés par le droit de la compliance, dont la lutte pour la probité et celle pour le respect des droits humains et de l’environnement. Cette question touche aussi à la souveraineté économique de la France dans la mesure où les pays étrangers qui respectent la confidentialité des avis des juristes de leurs entreprises ne respectent pas encore celle des avis des juristes français, puisque la loi française ne la leur accorde pas.

L’ACE déplore par conséquent ouvertement le vote de la résolution du 3 juillet 2023 du Conseil national des Barreaux, votée à 64,9% par une majorité entrainée par un mouvement d’opposition de principe à la confidentialité des avis juridiques internes des juristes d’entreprises.

L’ACE revendique avoir voté contre cette résolution de principe alors qu’un travail du texte proposé eût été plus porteur que le refus pur et simple. L’ACE indique aux entreprises françaises et étrangères installées en France que tous les avocats français ne sont pas en accord avec cette position hâtive.

En ce qui concerne le régime de cette confidentialité, aujourd’hui discuté au Parlement, l’ACE rappelle que le texte aujourd’hui proposé est perfectible et qu’elle propose et entend contribuer à son amélioration dans une démarche constructive.

Il est notamment nécessaire de supprimer dans le projet de texte la référence à l’article 441-1 du code pénal car il n’est pas admissible de conduire les juristes d’entreprise à s’auto-incriminer alors qu’il suffirait juste, en sanction, d’ôter toute confidentialité à l’avis contrevenant.

Encore un peu de travail mais surtout pas de décisions irrévocables car « …on rougirait bientôt de [ces] décisions, si l’on voulait réfléchir sur les raisons pour lesquelles on se détermine. »  (VOLTAIRE)

L’ACE reste mobilisée tant pour la protection du secret professionnel de l’avocat au bénéfice de ses clients que pour soutenir un régime de confidentialité des avis des juristes d’entreprise qui permette une meilleure diffusion du droit dans les entreprises et la société.  

Emmanuel RASKIN                                                   Matthieu BOISSAVY

Avocat au Barreau de Paris                                                        Avocat aux Barreaux de Paris et de New York

Président National de l’ACE, Avocats Ensemble                   Membre du bureau de l’ACE, Avocats Ensemble

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