Sophie Coin-Deleau
Directrice Activité Avocats, LexisNexis
Acronyme de « Return On Investment », le ROI bien connu des directeurs financiers doit désormais faire partie du vocable des avocats. Ce ratio financier permet de mesurer la rentabilité d’un investissement, en comparant le bénéfice obtenu par rapport aux coûts engagés. Plus il est élevé, plus l’opération est positive. Cette règle simple s’avère particulièrement utile quand il s’agit de d’anticiper l’impact d’un investissement dans un outil de la legaltech.
Les avocats et la legaltech : où en sommes-nous ?
Sous l’impulsion des technologies Saas et de l’intelligence artificielle, les outils à disposition des avocats ont considérablement évolué. Le choc pandémique a achevé de transformer les usages en créant les conditions d’une digitalisation à marche forcée, pour continuer à interagir avec les clients.
Une étude récente1 a ainsi montré le maintien de l’usage de la visio-conférence à un niveau élevé (68% contre 67% en 2020) et la poursuite du développement de la signature électronique (50% contre 40% en 2020).
En revanche, la même étude nous apprend que le recours aux outils permettant de développer l’activité du cabinet a peu progressé. Le niveau d’équipement en logiciels de gestion d’activité reste stable à près de 50%, celui en solutions de scan de documents ou de dictée vocale aux alentours de 25%. Les cabinets d’avocats ayant adopté des logiciels de gestion de la relation client (CRM), représentent 12% du total.
Enfin, l’usage des solutions d’aide à la décision pour optimiser la réalisation des prestations est encore balbutiant. Le taux d’équipement en solutions de jurimétrie, d’analyse de documents, de robotisation des actes ou de simulateurs ne dépasse pas les 10%.
Il reste donc une marge de progression pour mener à bien la transformation digitale des cabinets d’avocats.
Quoi de neuf dans la legaltech ?
Après une année 2020 atone, l’activité de la legaltech a repris de plus belle dès 2021.
Du côté des legal start-ups, les levées de fonds ont atteint un nouveau record de 85M€2 en 2021, même si elles profitent à un nombre limité d’acteurs. En tête avec une levée de 34M€, Didomi propose des solutions de gestion du consentement des utilisateurs dans le cadre de l’application du Règlement Général sur la Protection des Données. Viennent ensuite Yousign, la solution française de signature électronique (30M€) puis Jus Mundi, moteur de recherche spécialisé dans le domaine de l’arbitrage (8M€).
On dénombre plus de 200 legal start-ups, qui proposent une palette de services variés. Ils peuvent être regroupés autour de trois objectifs : trouver de nouveaux clients, gérer les relations avec le client, réaliser la prestation.
Les derniers chiffres de l’observatoire des legaltech du Village de la Justice montrent que les professionnels du droit sont de plus en plus nombreux à adopter la démarche d’innovation. Quitte à parfois renoncer à leur pratique pour se concentrer à 100% à leur aventure dans la legaltech, à l’instar des avocats fondateurs de Closd.
Lancée en 2018, Closd compte deux anciens avocats d’affaires au sein du trio d’entrepreneurs. Ils participaient à des opérations de fusion-acquisition complexes avec de nombreuses parties prenantes. Faute d’outils numériques adaptés, beaucoup de temps était englouti dans la réalisation de tâches manuelles, chronophages et sans réelle valeur ajoutée. Forts de ce constat, ils ont créé l’outil dont ils rêvaient pour gérer les dossiers. Aujourd’hui, la jeune pousse accompagne déjà 200 clients et 50 000 utilisateurs dans plusieurs pays d’Europe.
Même dynamisme chez les acteurs historiques de la legaltech comme LexisNexis, qui poursuit ses développements produits grâce aux équipes internes en cocréation avec les clients, à travers des partenariats stratégiques ou l’acquisition de legal start-ups.
L’entreprise déploie la nouvelle version de sa solution d’intelligence juridique, Lexis 360® intelligence. Elle intègre de nombreuses fonctionnalités d’analytics fondées sur l’alliance d’intelligence artificielle et d’expertise juridique, pour rapprocher les décisions similaires sur un cas donné, cartographier les décisions par entreprise ou projeter une représentation graphique des décisions pertinentes. Un nouveau service d’analyse de documents, Lexis Explore, sera lancé en cours d’année. Il permettra de retrouver les sources citées et la doctrine liée ; il apportera ainsi une aide à la décision, une sécurité juridique et un gain de temps substantiel à l’avocat.
LexisNexis poursuit les développements de son logiciel Saas Lexis PolyOffice® par l’ajout de fonctionnalités métiers puissantes comme le nouveau module de gestion des assemblées générales, l’enrichissement du module des statistiques, la refonte des dossiers judiciaires. L’acquisition de Closd fin 2021 vient compléter son offre logiciel ; une intégration avec Lexis PolyOffice est ainsi prévue pour la fin d’année 2022.
Comment choisir le bon partenaire au sein de la legaltech ?
Investir dans une solution de la legaltech est une démarche qui doit être réfléchie pour s’assurer de l’opportunité de l’investissement et accompagnée pour maximiser les chances d’adoption par les utilisateurs cibles.
Définir précisément son besoin
C’est la première question qui doit être posée pour bien détourer les attentes et s’assurer que la solution proposera l’ensemble des fonctionnalités indispensables pour y répondre.
Se projeter dans la durée
La solution est-elle pérenne et évolutive ? Des considérations en lien avec la gouvernance et la taille de la société, son financement et sa capacité d’investissement sont en jeu.
Optimiser le workflow
La solution pourra-t-elle s’insérer de façon fluide dans la chaîne de production (workflow) du cabinet, via notamment une possibilité de connexion avec les autres outils (API) ?
Garantir la sécurité de données
Quel niveau de sécurité des données est-il garanti par le partenaire envisagé ? Cette question est particulièrement cruciale pour une profession soumise au secret professionnel et dépositaire de données – économiques, patrimoniales, personnelles – souvent ultra-sensibles.
Adopter une approche éthique et responsable
L’éthique de l’entreprise partenaire est également une question à prendre en compte en lien avec la démarche RSE du cabinet.
Calculer son ROI
C’est l’ultime étape pour valider l’opportunité de l’opération. Il existe de nombreux outils et méthodes de calcul de complexité variable. Pour une estimation rapide, on peut procéder simplement en identifiant à chaque étape du processus concerné le temps gagné grâce à la solution. En valorisant ce temps libéré on obtient une première idée du retour sur investissement. Une matrice de ROI peut parfois être mise à disposition par certains acteurs de la legaltech.
- Menée par LexisNexis entre septembre et octobre 2021
- Site Banque des territoires, Levées de fonds legaltech : quel bilan pour l’année 2021 ? 01/02/2022