par Jean-Marc BRULÉ,
Conseil en stratégie et performance
des Cabinets d’Avocats,
Auteur du livre « Réussir un entretien
annuel en cabinet d’Avocats »,
Ex DG de Ciceron et
Fondateur d’Ecostaff,
Avocatmanager.fr
La motivation est au cœur de la dynamique d’équipe, c’est un fait. Bien mieux que la contrainte, elle amplifie l’adhésion et l’implication. Elle crée de la cohésion et entretient la capacité à innover de vos collaborateurs. Savoir entretenir cette flamme est donc clairement la clé de votre réussite, car le vrai Capital de votre Cabinet est constitué des hommes et des femmes qui le compose.
Les enjeux sont multiples : savoir attirer les meilleurs (ceux qui vous correspondent réellement), accompagner leur montée en performance et les fidéliser dans la durée. La bonne méthode consiste avant toute chose à considérer vos collaborateurs comme des alliés et à être vous-même motivé à leur épanouissement professionnel, dans le respect de leur vie personnelle. Pour cela, revenir aux fondamentaux d’une relation professionnelle de qualité est la base : Être en confiance, bénéficier d’une liberté d’expression, travailler dans un environnement propice, être reconnu et valorisé, pouvoir être acteur du destin commun. Loin d’être de pure forme, une telle démarche impactera positivement et durablement votre Cabinet en transformant son image et en valorisant votre marque employeur. En un mot, il s’agira de ce que l’on nomme en marketing un différenciant fort, qui facilite l’attraction de nouveaux talents et de clients qui vous ressemblent. Avouez que cela vaut la peine de vous pencher sur le sujet. Mais il ne suffit pas de le vouloir et, tout comme la confiance, la motivation se gagne plus qu’elle ne se décrète. Les points suivants vous y aideront.
Deux faits incontournables :
• Nous sommes à la fois des êtres de raison et d’émotions. Pour tirer le meilleur parti de vos collaborateurs – comme de vos associés – en avoir conscience et les accepter dans leur globalité est donc essentiel.
• La motivation n’est pas pérenne. Elle fluctue au fil du temps et des évènements et demande de ce fait à être entretenue.
Je vous propose de l’aborder sous l’angle de l’envie- lassitude. La roue de la routine illustre combien il est vital de veiller à conserver vos collaborateurs dans une dynamique d’apprentissage et de découverte. Un des principaux moteurs de la motivation repose en effet sur la notion de nouveauté, de défi. Il en résulte la sortie de sa zone de confort et l’entrée dans une zone d’apprentissage source d’implication dans la mission et dans la tâche confiée. La nouveauté crée l’envie en somme. Attention cependant car certains de vos collaborateurs peuvent éprouver de l’appréhension face au changement. Tout est question de dosage et donc de connaissance de chacun d’eux, de son degré d’envie et son niveau de résistance au changement, mais également de ses attentes. Pourtant, malgré tous vos efforts, au bout d’un temps qui varie d’un individu à l’autre et du niveau du challenge que vous lui aurez proposé, viendra immanquablement la maîtrise et avec elle l’ennui. Pour anticiper cette bascule, un signal faible à prendre en compte sera la moindre implication de votre collaborateur qui s’accompagne de la baisse progressive de son niveau de performance individuelle (encore faut-il l’évaluer).
Faute d’intervenir à ce moment, vos collaborateurs les plus dynamiques et moteurs risquent de regarder ailleurs en pensant trouver dans un autre Cabinet ce qu’ils ne trouvent plus ou estiment ne plus pouvoir trouver chez vous. Dommage.
Pour conclure ce point, il est important de relativiser la notion même de « défi » ou de « challenge ».
Nous ne parlons pas ici du grand défi qui bouleversera le fonctionnement du Cabinet. Nous évoquons la notion de faire grandir vos collaborateurs en leur proposant d’aller un peu plus loin dans leurs pratiques, leurs compétences ou leur rôle au sein de l’équipe. A titre d’exemple, je rencontre fréquemment lors de mes missions des collaborateurs désireux de prendre sous leur aile un stagiaire ou un collaborateur junior.
Répondre favorablement à cette attente favorisera à la fois l’implication du collaborateur aguerri et la montée en puissance du junior, trop souvent laissé sans suivi. La reconnaissance incluse dans votre décision représentera -pour les deux- un élément de motivation fort. Attention toutefois à poser le cadre de cette délégation (car s’en est une) ainsi que de vous assurer des besoins éventuels de votre collaborateur pour mener à bien sa mission d’encadrement.
Désormais convaincu de l’intérêt essentiel de cultiver la motivation par l’envie de faire et de progresser, je vous propose d’élargir le sujet aux autres leviers dont vous disposez pour mettre votre équipe en performance maximale.
Ils sont au nombre de 5 : Le cadre de travail au sens large, l’attitude générale (l’ambiance relationnelle) au sein du Cabinet, le management, et le degré de liberté accordé. Il en manque un me direz-vous ! C’est vrai. Le cinquième, qui est en réalité le premier, devrait impulser les 4 autres et les mettre en perspective. C’est la stratégie des associés, la vision qu’ils ont de leur Cabinet pour les années à venir. Je l’ai volontairement isolé des quatre autres car bien qu’elle doive être à la base de tout, je constate combien l’absence d’une stratégie connue (des associés) et reconnue (de tous) est fréquente. Et combien cela joue négativement sur la motivation collective et influe à la baisse sur le fonctionnement du Cabinet ou la dynamique d’équipe. Quand ce n’est pas sur la capacité commerciale elle-même. Venant en amont du reste, elle pourrait à elle seule faire l’objet d’un autre article.
Voyons donc comment agir sur les quatre leviers à votre disposition, en notant qu’ils sont naturellement imbriqués et sont
à considérer comme un tout dont il convient d’assurer la cohérence.
Rien ne servirait par exemple de disposer de locaux magnifiques, conçus par les meilleurs designers et ergonomes si le management est totalement vertical et basé sur l’agression et le turn-over. Chacun de vous connaît pourtant de tels Cabinets. Non, la démarche consiste à être perçu comme cohérent et dans l’envie de réussir ensemble. Nul n’étant parfait, ce qui compte est votre posture d’ouverture et d’inclusion.
1) LE CADRE DE TRAVAIL doit être fonctionnel et répondre aux différents besoins parfois contradictoires de travailler à la fois en mode collectif, collaboratif mais également de permettre de s’isoler par moments. Le télétravail qui intègre désormais la palette d’outils du management est un atout à ne pas négliger, même s’il convient d’en user avec intelligence et modération. De manière plus large, entrent dans la notion de cadre de travail, des éléments comme les avantages accordés, les outils mis à disposition ou les méthodes internes destinées à faciliter la pratique. Un environnement de qualité permet de se concentrer sur son métier et crée un contexte de performance.
2) L’ATTITUDE complète le cadre de travail en ce qu’elle représente l’ambiance générale qui se dégage de l’équipe. Les nouveaux collaborateurs comme les visiteurs la ressente dès la porte de votre Cabinet franchie. Triste ou joyeuse. Laborieuse ou efficace. Collaborative ou tendue. Toute dissonance avec l’image prônée sur votre site internet éveillera le doute et nuira à la relation. Il en est ainsi de Cabinets « plaçant l’Humain au cœur de leur stratégie » mais qui laissent mariner un client, un confrère ou un nouveau collaborateur dans une salle d’attente tristounette, sans café ni attention. Une fois encore, nul besoin d’être les meilleurs et de vouloir en faire trop. Juste être vrai et vous placer dans une relation de qualité avec votre interlocuteur. Si la vie professionnelle de l’Avocat n’est pas le monde de oui-oui, elle peut ne pas être non plus un monde impitoyable. Une affaire de mesure et de juste milieu.
3) En complément, LE LIBERTÉ d’être et d’agir représente un incroyable facteur de motivation. Le négliger serait passer à côté d’un moyen essentiel de mise en dynamique. Un juste degré de liberté permet notamment de répondre à un problème récurrent évoqué par les associés, celui de leur débordement permanent.
Encourager l’autonomie (la vraie, pas celle qui consiste à simplement laisser l’autre se débrouiller seul, sans aide) renforcera l’efficacité de vos collaborateurs sur un nombre croissant d’actions. Autant de liberté symétriquement gagnée par les associés pour leur permettre à leur tour de consacrer leur temps facturable à des tâches qui relèvent de leur niveau de compétence et de leur statut.
Comme le montre la carte heuristique, la liberté se décline en de multiples termes. Le but recherché est toujours le même : rendre le plus autonome et efficient chacun des membres de votre équipe dans l’intérêt de les motiver et de booster la performance de votre structure. Dans cet objectif, aucun tabou ne doit limiter vos choix. Qu’il s’agisse de réfléchir sur l’organisation, les outils ou la part de télétravail, vous devez penser en termes d’avantages à attendre et d’apport de résultats à votre stratégie de Cabinet.
J’ai volontairement réservé pour la fin la liberté d’expression.
Elle représente un atout réel dans la dynamique d’une équipe. Sans la liberté de s’exprimer en vérité, vos collaborateurs seront au mieux muets, au pire des flatteurs faussant votre vision. Dans les deux cas, vous vous priverez de la valeur ajoutée que représente le regard de votre équipe sur votre Cabinet, votre métier, vos pratiques, ainsi que sur d’innombrables idées pour améliorer l’ensemble. Mais attention, comme pour toute liberté il convient d’une part de l’organiser afin qu’elle réponde aux attentes et d’autre part qu’elle s’accompagne du niveau de responsabilité qui va avec.
4) Enfin, LE MANAGEMENT représente l’incarnation au quotidien des trois autres grands principes. Il en est la déclinaison opérationnelle qui fait entrer dans la vraie vie ce qui sinon reste au niveau de l’intention. Pour créer de la valeur, votre stratégie comme l’attitude prônée, l’organisation ou le cadre de vie doivent correspondre aux actes du quotidien. Y déroger conduit immanquablement à affaiblir votre parole et à fragiliser le lien qui vous uni. L’exact inverse du but recherché. Le principe fondateur d’un management efficace consiste à gérer par objectifs. Cela signifie agir, décider, organiser en fonction du but à atteindre et non en considérant chaque action ou demande isolément. Prenons l’exemple de la demande d’une avocate collaboratrice de bénéficier de son mercredi en télétravail pour lui faciliter la garde de son enfant. Votre premier réflexe pourrait être de le lui accorder, a fortiori si son travail vous satisfait pleinement. Pour autant, il s’agit d’un acte fort de management dont il convient de replacer les conséquences possibles -probables- dans la perspective du fonctionnement global du Cabinet. Votre réponse ne devrait jamais être oui ou non, mais plutôt résulter d’une analyse pourquoi/comment/avec-quelles conséquences. Si le rythme action-réaction s’en trouve ralenti, le résultat en sera à coup sûr meilleur.
Comme nous venons de le voir, la stratégie, le cadre de vie, le niveau de liberté et de responsabilité, l’attitude et la qualité de votre management impactent directement le niveau de motivation et de performance de votre équipe et donc, la réussite durable de votre cabinet. Or, votre Cabinet est unique et le niveau d’aboutissement de chacun de ces axes varie forcément par rapport à celui d’autres structures.
La bonne pratique pour avancer consiste à faire le point sur votre situation actuelle pour en déduire vos axes de progression, puis vous fixer un planning de mise en œuvre des évolutions souhaitées.
Le petit supplément d’efficacité et de motivation consiste à réaliser ce travail avec votre les membres de votre équipe afin
de développer leur sentiment d’appartenance au projet et d’en faciliter l’appropriation par chacun. Je terminerai en vous rappelant le principe d’atténuation de la motivation découvert dans la roue de la routine : la motivation s’entretient dans la durée et repose donc sur une démarche continue.
Bonne motivation à tous !